HISTOIRE -I. Do you got room for one more troubled soul ?Plusieurs générations avaient suffi à rendre les Muneshimo indispensables auprès du gouvernement. Leur nom était synonyme de travailleurs fiables et compétents capables de garder les secrets des plus puissants et gérer situations de crise et scandales. Ils attiraient la sympathie, toujours souriants, motivés et partants à l'idée de prester des heures supplémentaires. C'est ainsi que souvent, les enfants héritaient du poste de leurs parents. Secrétaire ministériel ou auprès d'ambassadeurs, les postes variaient, mais le point commun demeurait l'importance de leur rôle. Tout du moins jusqu'à ce que le père d'Haru Muneshimo ne multiplie les liaisons auprès de femmes d'invités diplomatiques. Son épouse parvint à étouffer les rumeurs dans l'oeuf, mais la famille souffrit du déshonneur et de la perte de confiance des autorités.
Relégué à un statut moins glorieux et moqué par ses camarades, Haru voyait sa mère dépérir et sa haine grandir. Il tenta de la persuader de le quitter mais elle en était folle. Alors il partit le coeur lourd dès qu'il eût l'âge, trouvant aussitôt un emploi à la mairie de Tokyo et prétendant depuis lors que son père était mort pour couper court à toute question. Il n'était pas seulement pistonné par elle, son éthique le détachait après tout largement des autres. Cependant, lorsqu'il rencontra une jeune collègue arrivée à peine deux mois après lui, il ne put s'empêcher de vouloir jeter le règlement au loin. Il craquait sur elle, distrait par ces yeux bleus qui ne lui prêtaient pas la moindre attention. Elle était juste en face et pourtant la distance à franchir lui semblait impossible. Il ignorait qu'il en allait de même pour elle, et puis elle fit le premier pas.
Après six mois, ils se trouvaient déjà à la mairie en dehors de tout motif professionnel : leur mariage. Ils avaient tout deux à peine vingt ans et ils s'aimaient comme des jeunes peuvent s'aimer : Vite et passionnément. C'est ainsi que suite à une erreur de prise de pilule, elle se retrouva enceinte presque immédiatement. Apeurée, elle se risqua à l'annoncer à Haru qui réagit plus que positivement. Le bébé était attendu, désiré même s'il n'était pas prévu. Aucun problème à l'accouchement, les deux parents nageaient dans le bonheur. Ils décidèrent de l'appeler Jun.
Tous les deux en accord sur le fait qu'il était préférable d'avoir deux enfants peu espacés, ils décidèrent de directement penser au second. Mais neuf mois plus tard et sans que la raison ne soit connue, la petite Shiemi est déclarée mort-née. Ils refusèrent l'autopsie, bouleversés. Le deuil dura trois ans, trois longues années où le petit Jun sentait la peine de ses deux parents. Et puis ils trouvèrent le courage nécessaire pour tourner la page, se laissant la surprise du sexe de l'enfant. Un garçon vit le jour, un garçon qui fut nommé Shi et que la famille accueillit comme s'il était la plus belle merveille au monde. Même Jun le chérissait et le gâtait plus que de raison.
II. I don't know where I'm goingCurieux, le petit découvrait le monde tout en se cherchant. Bien qu'ouvert et intéressé par tout, il ne parvenait pas à focaliser son attention sur un loisir ou un centre d'intérêt précis. Il voulait un chien, puis un cheval dans la même journée avant de pleurer pour le lapin qu'il avait vu dans la vitrine de l'animalerie sur le trajet de l'école. Il essayait de faire comme les grands, se lançant dans les mêmes sports que son frère avant d'abandonner dans le mois. Il commençait à dessiner puis décidait de poursuivre le papillon dans le jardin. Rien ne semblait le capter pour de bon. Et puis à quatre ans, il tomba sur un documentaire qui parlait des goules alors qu'il jouait avec la télécommande. Shi resta bouche bée en se couvrant de sa couverture, ne laissant dépasser que ses deux yeux. Il était terrorisé et terriblement fasciné, comme s'il ne pouvait plus se détacher des images qu'il voyait à l'écran. Jun intervint une demi-heure plus tard et crut dans un premier temps que son frère n'avait pas dû voir grand chose, mais il réalisa bien vite son erreur.
Pour la première fois, Shi se passionna pour quelque chose. Au départ, il jouait. Il jouait à se faire peur car étrangement, les enfants aiment bien se raconter des histoires effrayantes une fois qu'ils ne craignent plus le monstre sous le lit. Il regardait ses émissions sur les goules en douce, empruntait des livres trop difficiles pour lui dont il comprenait les mots à force de les relire encore et encore. Il se cachait sous sa couette avec une lumière faible pour ne pas alerter son frère qui dormait à côté, et lisait jusqu'aux petites heures. Il planquait ensuite les objets du crimes. Puis un jour sa famille tomba dessus en procédant à un rangement de la chambre. Ils n'étaient pas ravis mais ils acceptèrent l'étrange hobby du petit, croyant naïvement que cela passerait.
Pompier, policier, astronaute. Shi, il voulait devenir inspecteur spécial de la Brigade des goules du CCG.
Plus il grandissait, plus Shi était fasciné. Les autres aimaient les voitures, les dragons et les chevaliers, les héros, lui il ne jurait que par les goules. Toujours encouragé par les siens, il pensait naïvement que tout continuerait ainsi auprès de ses camarades. Il se heurta au contraire au rejet, au point de développer un manque de confiance en lui alarmant. Il resta isolé longtemps, s'accrochant à l'idée que quelqu'un finirait par ne pas le trouver étrange ou qu'ils se fatigueraient et arrêteraient de le bousculer en le traitant de sale goule. Au final, un changement d'école lui offrit la possibilité de débuter une vie normale. Il se contenta de garder sa passion pour lui et devint un adolescent transparent, incolore. Celui qui sourit quand on lui demande de porter les affaires des autres, celui qui est agréable mais auquel on reproche toujours quelque chose, celui qui se tait et écoute.
Jun déménagea pour prendre un appartement à proximité de l'académie dès ses 18 ans, laissant son frère de 13 ans aux soins de leurs deux parents. Ils se manquaient, mais Shi était fier d'avoir finalement convaincu son frère de l'importance du CCG, de lui avoir donné envie d'embrasser cette carrière. Jun quant à lui n'avait de toute façon pas trouvé sa voie et pensait pouvoir épauler son frère un jour, en plus du salaire plus que convenable qui accompagnait la fonction.
Shi développa certainement une meilleure connaissance de la psychologie humaine durant cette période, passant son temps à observer les autres. Néanmoins, il demeurait un garçon naïf qui croyait en la bonté de tous. Il accordait sa confiance, il était trahi, il pardonnait car il était trop bonne poire. Ce qui le bouleversa, ce fut lorsqu'il intercepta une lettre en rentrant de l'école vers 14 ans. Il n'y accorda que peu d'attention au départ, mais plus l'après-midi s'écoulait, plus elle le narguait. Alors il se risqua à l'ouvrir et lire son contenu. Il apprit la mort de ses deux grands-parents paternels dans un accident de voiture, eux qui étaient censés être décédés bien avant la rencontre de ses parents.
Il ne s'en remit pas. Il ne trouva pas la force d'écouter les raisons toutes prêtes de son père. C'est en larmes qu'il appela Jun pour demander de loger chez lui. Les deux parents crurent qu'il ne s'agirait que d'une passe, mais il ne rentra jamais chez lui. Jamais il ne pourrait leur parler, jamais il ne pourrait se faire une idée d'eux car c'était trop tard. À quoi cela pouvait servir une bonne excuse alors qu'il n'avait pas eu la chance de se faire lui-même une idée ? Le prendre en otage au sein d'une querelle, c'était injuste. La photo de la vieille dame lui rappelait cette femme qui parfois regardait la cour de l'école et lui parlait, s'inquiétant de le voir tout seul en permanence.
III. But I don't think I'm coming home.Son frère réussit avec brio ses études à l'académie. Jun était naturellement doué dans tout ce qu'il entreprenait, incroyablement intelligent, charismatique et sportif. En réalité, la transition entre un entrainement soutenu de basket à un entrainement de combat ne l'avait pas tant dépaysé. Shi profitait de ses absences pour essayer de prendre de l'avance. Il connaissait pertinemment ses limites. Il n'était pas bon élève. Il devait se donner plus de mal que les autres et se mettre au travail au plus vite. Chaque soir, il préparait le repas et écoutait d'ailleurs Jun raconter ses journées, les exercices qu'ils devaient faire. Le petit commença à courir quotidiennement et s'aventura de plus en plus en salle de sport pour se montrer à la hauteur de ses ambitions. Avant même que Jun ne passe seconde classe, Shi avait profondément changé et n'avait plus le temps de penser à ses tracas scolaires.
Atteignant finalement l'âge de 18 ans, Shi se retrouva pressé de s'inscrire au moins administrativement pour l'année à venir, séchant d'ailleurs les cours le jour de son anniversaire pour le faire. Malgré le sermon, il ne regretta pas la joie qu'il ressentit en tenant finalement le papier officiel en main. Il l'appuya contre son coeur chaque soir avant que le jour fatidique n'arrive. Surexcité, le garçon luttait pour rester discipliné et concentré sur ses études, des étoiles plein les yeux. Le matin même de la rentrée, il avait terminé de boucler ses valises pour quitter l'appartement de Jun. Conscient d'avoir vécu à aux frais de celui-ci trop longtemps, Shi avait pris la décision de rentrer à l'internat. Il ignorait évidemment tout de la rencontre qu'il s'apprêtait à faire. S'agissait-il d'un sale coup de Jun ou du hasard le plus total ? Il ne le saura probablement jamais.
Il effectua un détour avant de se rendre à la chambre qui lui avait été assignée. Son horaire en main, il repérait les locaux où il aurait cours, les lieux utiles dans sa nouvelle vie. Il s'amusa également à explorer divers endroits par lui-même, s'introduisant en douce dans certains espaces qui ne lui étaient certainement pas autorisés d'ailleurs. En réalité, il craignait de rencontrer son colocataire et répétait presque à voix haute une présentation brève à la recherche du ton le plus approprié sans parvenir à un résultat probant. Il allait probablement passer deux années en sa compagnie et rien ne le stressait plus que le futur visage de l'inconnu dont il dessinait les formes dans sa tête. Il finit par traîner ses affaires, angoissant sur le chemin.
En entrant, il découvrit un jeune homme aux cheveux clairs qui visiblement s'était déjà installé. Celui-ci lui fit bonne impression et il déballa ses affaires, libéré d'un poids énorme. Il se sentait soulagé à l'idée de ne pas être avec un gars violent ou un fêtard qui aurait pris un malin plaisir à déconcentrer son étude. Il déchanta néanmoins rapidement en constatant que Sada était quelqu'un de distant et plutôt taiseux... ou disons plutôt qu'il interprétait plutôt mal sa façon de répondre le strict nécessaire car il avait l'impression de constamment le déranger. Il décida naturellement de ne pas le coller et rejoint le premier groupe qui lui proposa de déjeuner en leur compagnie.
Il traina avec eux jusqu'à ce qu'un soir, il n'entende Sada qui l'agressait verbalement depuis son lit. Shi le fixa, surpris par cette attaque gratuite. Après tout, qui aime se faire traiter de vitre transparente et inutile ? Il dormit difficilement cette nuit-là, jetant des regards interrogatifs en direction de son compagnon de chambrée. Pourquoi ? Ils ne s'échangeaient que des banalités par politesse ou quelques anecdotes en rapport avec des enquêtes tout les deux. Premier levé, il courut prendre une douche froide avant de se mettre une claque face au miroir. Depuis quand acceptait-il qu'on lui parle ainsi sans riposter ? Fronçant les sourcils, il termina de se préparer et rattrapa Sada qu'il envoya dos à un mur. Il ne fit preuve d'aucune violence : La poigne était ferme, l'expression déterminée. Puis le but n'était pas de faire mal...
• Je préfère t'arrêter directement dans ton élan, Sada. Tu te le permets peut-être avec d'autres, mais je ne serais pas ton défouloir chaque soir. C'est clair ?Le jeune prodige ne réagit pas pendant presque une minute avant de se contenter de sourire et laisser Shi comme un abruti face à son mur. Il entendit pouffer de rire son groupe derrière lui, l'applaudissant. Ils le félicitaient d'avoir remis Shizawa à sa place. Mais en le regardant disparaître à l'autre bout du couloir, il comprit qu'ils se trompaient. Sada, sans ajouter le moindre mot venait de lui mettre la plus belle raclée de sa vie. Il s'isola une petite heure à l'infirmerie, prétextant qu'il se sentait mal pour pouvoir réfléchir. Un paquet de larmes ayant coulé et ce temps écoulé, il retourna en cours et de lui-même se plaça à côté de Sada sans fournir d'explications.
Sada avait raison et le message l'avait touché de plein fouet. Depuis ce jour, il courut vers lui à chaque fois qu'il le trouvait seul et qu'il ne paraissait pas occupé, tenant une liste pour essayer de trouver un sujet de conversation commun. Au départ, Shi pensait agir de la sorte poussé parce qu'il lui était redevable, mais ensuite il apprécia de plus en plus la compagnie de Sada, au point de le rejoindre sans même se rendre compte qu'il était plutôt collant. Répéter que les goules étaient une menace était devenu un jeu à force. Il voulait juste faire tiquer le blond, le taquiner. Après tout, il était le seul à réellement avoir conscience de sa passion étrange.
Face à cet abandon soudain et malgré des explications que Shi apporta par la suite, son ancien groupe d'amis vit d'un très mauvais oeil ce soudain désintérêt pour eux. Leur bonne poire partie, ils décidèrent de lui faire passer un message en s'emparant de son sac et en éparpillant son contenu dans la cour, jetant ses notes à la flotte. Entre eux, ils discutèrent d'un petit plan pour bousculer plutôt sèchement le jeune garçon.
Mais lorsque Shi arriva et commença à ramasser, il entendit quelques gémissements faibles en suivant le chemin formé par son porte-feuille et son classeur. Il s'approcha et la scène le figea dans un premier temps. Sada venait de faire un véritable carnage... à tel point que le jeune homme aux cheveux noirs n'aurait pas su dire s'ils étaient tous bien vivants. Lâchant ses effets personnels sans plus réfléchir, il s'interposa courageusement entre l'un de ses pseudo-amis et le coup que Sada s'apprêtait à asséner. Il crut réellement qu'il se prendrait un sacré kick mais le blond passa visiblement à autre chose, rassemblant les affaires de son colocataire. Ne recevant pas d'explications, Shi se demanda si son ami s'était comporté ainsi pour le protéger... et il mentit pour prendre sa défense, pour éviter son expulsion.
Il prétendit que Sada l'avait défendu car ils s'étaient montrés agressifs et que le reste des blessures provenaient d'une altercation qui s'était déroulée entre eux après qu'ils les aient laissé seuls. Inquiet pour son ami, il finit par remarquer que celui-ci prenait discrètement des cachets. Après s'être risqué à poser la question, il prit l'habitude de se lever en avance pour préparer le café et lui rappeler ainsi la prise de ses médicaments. Même s'il n'était pas particulièrement talentueux au départ, il s'étonnait de voir Sada avaler son café sans broncher alors que lui éprouvait de grandes difficultés à en supporter le goût. Il se donna de plus en plus de mal pour que ce rituel entre eux deux devienne un moment de complicité agréable.
Shi admirait Sada bien qu'il s'énervait de voir que lui n'avait pas à fournir d'effort pour être meilleur que lui. Chaque contrôle, chaque test mettait le petit Muneshimo sur les nerfs. Il passait des nuits blanches ou s'endormait allongé sur le ventre sur le parquet de l'appartement de son grand-frère. Jun l'acceptait et l'aidait à réviser. Accessoirement il le couvrait lorsqu'il tombait de sommeil, surmené. L'avance qu'il avait prise cumulée à ses efforts énormes lui valurent la place de second au classement général de la promotion. Il avait même battu de quelques points le score de son frangin.
Fièrement, il débuta et s'imposa comme l'un des 2ème classes les plus prometteurs. Bien qu'il n'avait pas eu l'occasion de gérer de goule, il avait été un élément clé dans la résolution d'affaires mineures. Il assimilait rapidement les informations des différents dossiers et sa capacité à analyser des éléments à première vue totalement étrangers impressionnaient ses supérieurs. Shi, c'était le gamin qui pouvait courir à travers tout Tokyo pour récupérer des indices supplémentaires et qui finissait par relier deux investigations entre elles sur base d'une simple intuition. Tous ces documentaires, ses romans policiers et ses lectures sur les goules lui avaient servi.
Une grosse affaire se présenta alors au supérieur de Shi. Curieux de voir comment son protégé se débrouillait lorsqu'il fallait coopérer avec un collègue, il le laissa proposer un nom pour travailler avec eux. Il ne réfléchit pas plus d'une minute avant de dire qui il estimait le plus apte à faire équipe avec lui. Une chance que Sada et son 1ère classe n'avaient pas d'affaire en cours à ce moment-là. L'intuition de Shi mêlée à la logique de Sada fit des étincelles sur le dossier que Shi surnommait "Cannibale Lecter." Il prenait un plaisir énorme à se confronter à son ami, un jour ils s'aidaient, le suivant ils devenaient de nobles rivaux. Un peu de compétition n'avait jamais fait de mal à personne.
Ce soir-là, ils allaient conclure l'enquête. Deux frères ou deux membres d'une même famille, peu importe. Il s'agissait de deux goules de rang S et Shi tenait sa valise avec excitation tout en courant après la goule. Sa quinque ? Une magnifique claymore façonnée à partir d'un kagune à queue, lourde mais terriblement destructrice. Peut-être était-il trop excité à l'idée d'enfin l'utiliser...
Il ne fit qu'un pas. Un pas parce qu'il croyait que la goule allait cibler Sada, un pas parce qu'il pensait à frapper avant que le blond ne soit blessé. Il fit un pas et l'épée à deux mains tomba au sol sans qu'il ne comprenne la raison. Il regarda la goule dans les yeux, son sourire satisfait lui glaça le sang. Pourquoi ne pouvait-il plus la soulever ? Pourquoi est-ce qu'il hurlait de douleur ? Il avait l'impression d'avoir été le spectateur de sa propre existence alors qu'il tombait à genoux, regardant la quinque de Sada qui tranchait leur adversaire avant de l'envoyer voler à un bon mètre.
• Ca va aller Sada, c'est normal d'être blessé lors d'une mission...« Mais Shi... Ton bras... Ce n'est PAS normal !... »• Sada.Ce n'était pas normal, mais il ne voulait pas en parler. Il mentit à son ami en prétendant qu'il sentait encore qu'il avait mal, qu'on allait stopper l'hémorragie et le recoudre une fois que les secours seraient arrivés. Il ferma les yeux en essayant de croire les bêtises qu'il racontait. Il les rouvrit et regarda son bras droit par terre, son poing serrant toujours la claymore. Il se cala dans les bras de Sada, l'enlaçant doucement tout en cachant son visage dans le manteau de son ami pour ne plus voir qu'il se vidait de son sang, pour ne plus voir le membre qui lui avait été coupé.
Peut-être qu'en fait, les goules lui faisaient un peu peur finalement.
IV. And I said I'll check in tomorrow if I don't wake up dead• Le ca...fé...Une douce brise secouait les rideaux blancs. Il admira leurs mouvements fluides, un peu ébloui par la luminosité de la pièce. Shi se sentait si faible mais il se redressa, posant la main droite sur le lit. Sauf qu'il n'avait plus de main droite et qu'il fut rattrapé avant de chuter par Sada. Il resta immobile la tête sur son épaule, le temps de pleurer un peu. Il réalisait qu'il n'avait pas rêvé, il réalisait qu'il n'atteindrait jamais le rang d'inspecteur spécial. Tout était fini pour lui. Mais pas pour lui. De nouveau allongé dans le lit, il s'excusa de ne pas pouvoir honorer leur rituel. Il regarda Sada partir et Jun prendre son relai. Il lui expliqua qu'ils avaient failli le perdre à cause de la quantité de sang qu'il avait perdue et que la CCG parlait de le rétrograder puisqu'il ne pourrait plus manier une quinque correctement. Il sourit et n'ajouta rien, voyant son ami revenir avec deux cafés. Pour la première fois depuis longtemps, ils n'échangèrent pas le moindre temps en buvant le liquide brûlant. Le jeune garçon aux cheveux noirs pensait qu'à défaut de pouvoir obtenir ce qu'il avait tant désiré, il oeuvrerait pour que Sada atteigne tout les objectifs qu'il se fixerait. Même s'il devait rester dans l'ombre pour cela.
• ...Sada...« Shi, je suis désolé.... »• Tu as intérêt, dit-il d'un ton songeur tout en avalant une nouvelle gorgée de café. Tu sais bien que je déteste le déca.Tant pis. Ce n'était pas le moment de parler boulot après tout.
La revalidation fut difficile. Lui qui était droitier dû à la fois se faire aux réflexes qu'il avait encore avant la perte de son bras et au fait d'être contraint de devenir gaucher. Toutes les étapes de sa vie quotidienne devenaient un enfer mais il refusait d'empiéter sur la vie de son frère une nouvelle fois. Il prit un appartement à Nakano sans en parler à Jun mais il ne parvint pas à se débarasser de Sada. Il s'en voulait tellement pour tout ce qui était arrivé qu'il profitait de son temps libre pour lui rendre la vie plus simple, changer son bandage et l'aider administrativement tant que son écriture restait illisible. Shi mettait un point d'honneur à ce que le café soit prêt chaque matin, sachant pertinemment qu'il ne tarderait pas à se pointer.
• J'ai entendu dire que tu as reçu une nouvelle Quinque pour ta promotion, félicitations !« C'est moi qui te remercie. C'est normal car c'est grâce à toi que j'ai pu l'obtenir. Et au final, grâce à toi je serais à même de gérer le 13ème arrondissement. »Quelque part, la voix de Shi était teintée d'hypocrisie. Il se réjouissait pour son meilleur ami, mais comment être heureux en se disant qu'il s'agissait de cette quinque ? Celle qui avait tranché son bras lorsqu'elle était encore au stade de kagune. Il tâcha d'éviter Sada, prétextant souvent qu'il avait du travail ou une séance chez le psychologue dès que celui-ci tenait sa valise. Il a juste entendu parler d'une faux.
Une longue journée de dossier, il y a 7 mois.
Une longue journée de dossier où il revoit Tsunaita Washuu.
Seul le rituel du café matin persistait. Il commença à éviter Sada, le rassurant en disant qu'il était occupé et qu'il ne lui en voudrait jamais pour son bras. Que c'étaient des choses qui arrivaient et que la vie continuaient. Il lui inventait des excuses stupides, une nouvelle passion stupide pour essayer de lui décrocher un sourire, un verre entre collègues, tout était bon même si à force, cela semblait être un immense mensonge. Shi s'en voulait, mais Sada ne l'aurait jamais laisser faire comme bon lui semblait depuis l'accident.
Tsunaita Washuu et Sada Shisawa se détestaient. Shi s'était retrouvé par hasard au milieu du conflit qui les opposait sans le savoir. Le manchot devinait que Sada n'avait pas dû hésiter à dire ce qu'il pensait du Washuu. Cette famille avait fondé une branche de la CCG particulière et élitiste entraînée dans le but d'éliminer les goules sans utiliser de quinque et Sada percevait leurs enseignements comme sectaires. Or, si Tsunaita avait contacté Shi, c'était bien pour lui proposer de le prendre sous son aile. Il n'hésita pas une seconde à l'idée d'être de nouveau un inspecteur indépendant, de redevenir plus qu'une colombe enfermée à l'intérieur d'un bureau, entourée de dossiers. De plus, la difficulté physique et mentale de ces enseignements ne lui faisaient pas peur, motivé par son rêve et habitué depuis toujours à fournir de nombreux efforts.
Aujourd'hui, Sada ignore encore ce qui se trame depuis tout ce temps. Il ne sait pas que Shi a finalement été jugé apte à retourner progressivement sur le terrain. Il ne sait pas que Tsunaita a décidé d'impliquer Shi pour l'éloigner de lui. Il ne sait pas l'arme que Shi devient un peu plus chaque jour. Il ne sait pas, il ne sait rien. Mais Shi vit mal son échec. Celui de ne pas avoir su récupérer assez vite que pour devenir le partenaire de Sada. Il a peur de ne pas pouvoir rattraper le temps perdu, d'être remplacé définitivement par la nouvelle. Il est conscient qu'il est responsable de la situation et fera tout pour faire pencher la balance. Il a peur. Oh si peur.
Parce que Sada a l'air différent lorsqu'il amène le café depuis quelques semaines.
This is the road to ruin
And we're starting at the end.