Potentiellement mortelle, indéniablement caustique.

C’était le sommaire de sa journée. La sienne et celle de bien d’autres. Les promotions avaient leur part de bonheur, mais le poids du devoir devenait de plus en plus difficile à supporter. Masochiste par définition, il ne démordait pas de son travail, debout jusqu’aux petites heures et encore, même aux grandes on le retrouvait, café consommé presque par intraveineuse, à remplir des dossiers. Il participait aussi à de plus grandes enquêtes, de plus grandes missions. D’ailleurs, il a participé à l’une d’entre elles, une qui a spécialement mal tournée, il y a quelques semaines. Il savait que la mort était dorénavant un quotidien, mais les plus grands remparts ne préparaient pas au choc à encaisser. Pas contre celui-là, du moins. Ébranlé jusqu’à ses fondations, il s’est même remis en question, pour faire changement. Au bout de cette épopée introspective, il n’a trouvé qu’une responsabilité supplémentaire. Il portait le poids des familles esseulées, la charge de travail laissée par les défunts. Junpei avait changé, depuis sa promotion. D’abord frivole et nonchalant, on le redécouvrait désormais comme un inspecteur diligent, bien qu’un brin cynique. Beaucoup plus violent, aussi. Il endossait un rôle de méchant, même aux yeux de ses camarades. Un lunatique, peut-être, face à cette propension à tuer d’abord et parler ensuite. L’expérience lui avait appris que l’attente diminuait les chances de survie et qu’au fond, quand bien même elles se voudraient honnêtes et aimables, ces créatures ne se gênaient pas pour tuer avant de pleurnicher parce qu’elles sont incomprises.

Si tout n’était pas parfait, il avait pu retirer du positif de ces derniers mois. Sous la forme d’un quinque, de surcroît. Sa première goule de rang S et plus, terrassée après une chaude lutte et beaucoup plus de peur que de mal. L’arme qui était à la fine pointe de la technologie se voulait un investissement, un gage de succès pour qu’il puisse, aussi vite que possible, franchir les échelons et prendre de l’importance au sein de la commission. Ce qu’il comptait faire.

Après les funérailles militaires accordées aux quelques inspecteurs tombés au combat, Junpei s’était rendu au bar, mallette à la main, mais vêtu d’un habit plus propre que d’habitude, complet noir et tout le bataclan qu’on réserve aux enterrements. Il s’arrête au bar, commande un gin tonic, patiente un peu avant d’ajouter qu’il l’aimerait double. Il n’a que très peu de considération pour l’audience présente, grommelant intérieurement alors qu’il se rappelait avoir tout à faire et trop peu de temps pour lui-même. Il envisageait même de trouver une femme. Ça l’aiderait, sans doute. Il remercie le barman et boit une gorgée, avec modération. Il n’est pas là pour se défoncer la gueule, non plus.