« Kyou Takahashi. 24 ans. J’ai vécu la même merde que 78% des humains avec les goules. »

Ou du moins, ce qui devrait être dit ? Les goules sont des monstres. Les humains portent justice. Les goules font du mal aux humains. Les humains doivent donc faire du mal aux goules. C’est cette pensée quoique ordinaire que chacun porte avec lui, gamin. On ne peut aimer une créature qui tue, voyons. Bien sûr, personne n’a l’occasion d’y penser plus profondément. Sûrement pas lui.

Le plus dur quand il est question de commencer une histoire est souvent de savoir quel chemin prendre. Bien sûr, l’outcome reste le même. Rien ne change dans les faits. Rien ne changent pour les conséquences. Mais prendre la droite ou la gauche est différent, sans doute ? Avec Kyou, on ne saurait quoi faire. Il semble y avoir mille possibilités mais peu à exploiter. Kyou était heureux.
Le bonheur est quelque chose que peu de gens comprennent ; ou se souviennent. Mais Kyou s’en rappelle très bien. Ces années passés à Hokkaido avec son frère, ces fous rires, leur partie de cache-cache dans la forêt avant qu’il ne se perde et pleure toute la journée pour qu’ils viennent le chercher ... alors que finalement, il n’était qu’à deux pas du village. Ces anecdotes un peu pourris, mais qu’on adore raconter ; à se demander si le goût amer et le haut au cœur à la nostalgie, nous faisait du bien. Kyou, c’est un peu pareil. Il adorait ces moments. Ils avaient quelque chose de fantastique qu’ils avaient perdu en grandissant. Lui, son frère ... et même Rin. Avaient-ils tout perdu ?

Il ne comprenait pas. La douceur de leur enfance s’était-elle enfuie en les voyant grandir ? Plus on réalise, plus on se demande où les choses ont mal tournés dès le départ. Puis, c’est là que revient ce souvenir. Ce genre de souvenirs -qui contrairement à d’autres, nous arrachent les tripes et nous donne l’envie de vomir au rappel. Ce genre de souvenirs qu’on souhaite stocker très profondément dans nos archives ou jeter à une poubelle quelconque à l’intérieur de notre esprit. Mais notre cerveau est un parfait sadique ou un masochiste des moins tendres à y penser. Il le laisse sur le piédestal ; le fait retourner en boucle dans nos rêves et quand on pense s’en être séparé, revient comme le vilain loup qu’on croirait caché sous le lit.

Les goules sont d’ignobles créatures ; Il a été menacé. Pas seulement lui. Son frère, son ami ... Il lui semblait souvent que sa vie, en ce moment, ne perdurait que grâce à la volonté de cette goule en question. Pauvre enfant, vivant toujours avec la peur de rencontrer son terrible ennemi du jour au lendemain. Lui n’était pas fort. Non bien sûr que non. Lui était faible ; lui ne valait rien ; lui ne pouvait en rien aider ; lui n’était qu’une plaie.

Bien qu’en gardant la tête haute, avec ce sourire sage constant, cet air calme et ce sérieux on-ne-peut-plus-sympathique, il n’en restait pas moins de la sorte. Il était dégoûtant. Ce souvenir, quoique affreux, a crée la part d’existence qu’il mène aujourd’hui. Si seulement. Si seulement, il était un peu plus fort, alors avec tout le monde, il aurait pu accomplir ce rêve. Il aurait pu la pourchasser, lui aussi. La pourchasser ... La tuer ... L’arrêter ... Mais après ?

C’est sur ses pensées qu’il vécut les quelques années. Les quelques années avant de la revoir ; parce qu’il l’a revit. La peur qui l’avait paralysé à ce moment, il la ressent encore aujourd’hui. Elle traverse son corps, passe le long de ses os, s’empreigne dans sa chair et le fait détester son lui encore plus. Ses mots de ce jour-là, de ce jour d’après et du lendemain, qui sait, lui tourne en rond. Son petit préféré qu’elle lui avait déclaré. Une psychopathe. Un déchet. Les goules sont des monstres.

On ne pouvait faire plus clair ; Ils avaient besoin de l’arrêter. Son frère et son ami devaient la pourchasser. Mais lui alors ? Et bien ... On verra ça en temps voulu, n’est-ce pas, Mary.