S’habillant des vêtements de sa dernière victime, Ringo réfléchissait intensément à sa situation, comme tous les jours depuis son arrivée ici, dans le 20ème. Aujourd’hui, elle voulait prendre l’air, changer d’environnement, voir de nouveaux endroits, bref, elle voulait se barrer d’ici. Et puis … qu’est-ce qui l’en empêcher ? Rien. Elle n’avait ni amis ni famille, ni maison ni patron. Elle était libre, libre comme l’air : c’était la seule chose positive dans sa vie merdique –à part le fait qu’elle mangeait quotidiennement à sa faim, mais ça c’était un autre sujet-
D’un coup de tête, elle embarqua ses pauvres affaires, qui étaient composées d’un porte-monnaie volé, d’un bras à moitié mangé et d’un paquet de mouchoirs, et sortit de sa petite ruelle sombre.
Ringo ne savait pas vraiment où aller, devait-elle prendre un bus ? Un train ? Un tram ? Elle n’en avait aucune idée, alors elle fit la première chose qui lui passa par la tête : aller là où ses jambes l’amèneraient.
Quelques heures plus tard, arrivant à la frontière du 20ème arrondissement en même temps que la nuit, la petite goule commença à légèrement fatiguer et décida de chasser. Faisant marcher sa cervelle trop longtemps inutilisée, elle imagina un plan foireux comme elle en avait l’habitude : cette fois-ci, elle déchirera son haut et s’assiéra sur le trottoir en attendant l’homme qui sera assez con pour tomber dans le piège de la jeune femme.
Satisfaite de son plan, elle le mit en place et attendit sagement, là, au milieu de la route en se dandinant légèrement comme une dinde le jour de Thanksgiving. Sa proie n’attendit pas pour apparaître et avança lentement, le visage déformé par la luxure. C’était un homme d’une quarantaine d’année, assez gros avec des petites lunettes rondes qui rajoutaient de la profondeur au personnage. Il avait de grandes mains rugueuses, qui faisaient pratiquement la taille du visage de la jeune fille, et un sourire lubrique presque paternel qui ne laissa pas ladite jeune fille sans peur. Après sa démarche lente, il se courba légèrement pour prendre le visage de Ringo entre ses immenses mains et la contempla de haut-en-bas, ce qui donnait à la petite goule l’envie de vomir son goûter.
Elle prit son courage à deux mains et entraîna l’homme vers les buissons, où d’un coup de pied, elle le renversa sur son dos et posa fermement son petit pied de poupée sur son ventre bedonnant. Elle laissa paraître un léger rire blanc et fit sortir son kagune noir de jais à la forme de branches qui transperça sans scrupules la chair graisseuse de l’homme. Elle se jeta sur le cadavre telle une lionne affamée et y planta ses dents opalescentes, savourant la viande fraîche qui lui avait tellement manquée depuis l’aube.
Après son bon repas, elle fouilla les poches du pantalon de sa proie désormais morte, et y trouva un porte monnaie rempli de beaux billets et un couteau suisse. Elle les prit et les fourra dans son petit sac miteux non sans se demander ce qu’elle ferait des vêtements par terre, beaucoup trop grands pour son frêle corps. Elle voulut s’en débarrasser puis en regardant son état actuel, décida de les mettre quand même pour cacher son corps beaucoup trop dénudé. Etant habillée à peu près décemment, elle continua sa quête du renouveau et gambada telle la chèvre de Mr Seguin dans le près, arrivant en même temps dans le 14ème arrondissement.

"Nerima, quel bel arrondissement !" était la première pensée de la jeune fille en contemplant le paysage nocturne qui se faisait éclairer par la lune resplendissante. Elle ouvrit grands les yeux, essayant de distinguer le mieux possible les arbres gigantesques qui lui rappelaient son kagune et sentit la fatigue lui transpercer délicatement le corps. Elle prit le choix de chercher un endroit qui serait adapté à ses besoins, c'est-à-dire sombre et discret. Elle discerna une petite usine désaffectée au loin et laissa ses pieds la mener à cet endroit, tombant de fatigue dès qu'elle franchit le seuil de la porte d'entrée ...