version 5
a skin by bonbon

Forum Tokyo ghoul, basé sur le manga original de Sui Ishida. Avatar du même type en 200*320. Personnage de l'anime interdit à prendre, nous demandons des personnage fictifs car aucun lien avec Ken Kaneki ne sera fait. Cela se passe également à Tokyo.
Nous recherchons davantage de membres pour le groupe de la CCG.
Il reste encore une place pour un top partenaire.


NOTRE PLAYLIST



1: HORIZON - MIYAVI
2: 「P ♢ S」PALE FLESH - FULL MEP
3: THE PRODIGY - THE DAY IS MY ENEMY
4: RIB - FORTY SEVEN (ヨンジュウナナ)
5: ENTROPY - [SOULS TEAM]

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ON EST EN 2016, CA VA BOUGER CETTE ANNEE !
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Gin Nakagawa




Gin Nakagawa
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arm your eyes

La journée avait été terriblement monotone. Gin avait passé la matinée dans l'atelier, à l'arrière de la boutique, à alterner entre travail et ennui. Elle avait, à vrai dire, passé plus de temps à écouter la pluie taper dans un brouhaha irrégulier sur le toit, et à regarder les striées d'eau formées sur la vitre, plutôt qu'à travailler sur le masque dont elle était chargée. Son travail lui plaisait, pourtant, et créer des masques faisait parties de ces rares choses pour lesquelles elle était douée, mais aujourd'hui était une journée où l'inspiration refusait de se montrer. Ainsi, elle avait passée sa matinée assise sur sa chaise, teintant le masque de rouge à coups de pinceau lents et monotones, levant les yeux presque à chaque minute pour regarder la pluie tomber dehors, et le paysage urbain rendu grisâtre par ces gouttes qui tombaient inlassablement. Gin aimait la pluie, pourtant. Mais elle n'y trouvait aujourd'hui qu'une source de distraction inutile qui la détournait de son objectif initial : finir le masque. Si elle le finissait en retard, elle devrait le livrer elle-même, ce qui - pour elle qui ne pouvait lire ni l'adresse, ni le nom des rues - était une véritable épreuve.
La pluie s'était arrêtée en début d'après-midi, alors les clients avaient commencés à arriver dans la boutique, forçant parfois Gin à se lever de son siège les accueillir, écouter leurs demandes, prendre leurs mesures. Quand elle le pouvait, elle préférait cependant se défiler, et laisser ses collègues s'occuper des personnes en chair et en os. Elle était bien mieux dans son silence salvateur, plutôt qu'à parler avec les clients, faire des courbettes, se montrer agréable et gentille alors qu'elle n'en avait aucune envie.

On lui avait demandé, exceptionnellement, de fermer la boutique aujourd'hui, appuyant le fait qu'elle serait payée, bien sûr, pour ses heures supplémentaires. Gin avait accepté sans broncher, décrochant à la moitié des explications de son collègue sur la raison de son empêchement. Elle avait besoin d'argent, et surtout, elle n'avait nulle part où aller. Personne ne l'attendait, chez elle, simplement parce qu'elle n'avait pas de chez elle. Il y avait Jenny, peut-être, mais elle passait elle aussi ses journées à vadrouiller et à vaquer à ses occupations. Elles n'avaient aucune obligation l'une envers l'autre, et certainement pas celle de rentrer à une heure bien définie.
La nuit tombait tôt, en cette période de l'année. Le ciel se teintait déjà des nuances rougeoyantes du crépuscule quand son collègue quitta la boutique précipitamment, lui jetant des instructions pour la fermeture, qu'elle n'écouta que d'une oreille. Elle connaissait son travail, Gin, et même si elle ne travaillait qu'à mi-temps, il était inutile de la materner. Elle espérait seulement qu'aucun client ne pointerait le bout de son nez à cette heure tardive, absorbée qu'elle était enfin par son travail.
Elle entendit pourtant la porte de la boutique s'ouvrir. En râlant, elle se leva de sa chaise, détacha ses cheveux roux alors relevés en chignon négligé, et quitta l'arrière boutique avec une moue contrariée. Elle allait devoir se débrouiller seule, une fois de plus, pour prendre la commande, malgré son incapacité à écrire ou lire quoi que ce soit. Gin attrapa au passage son carnet, dans lequel elle notait les commandes qu'elle prenait, à base de portraits rapides des clients et des schémas de masques.

Elle se présenta au client les doigts tâchés de peinture, ses cheveux flamboyants cascadant négligemment sur ses épaules. Elle étira ses lèvres en un léger sourire qui se voulait avenant.

- Bonsoir. Je peux vous aider ?

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Shiki A. Fukastu




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C'était dur. Se retrouver seul après tout ce temps passé en compagnie de Nobuharu, se retrouver seul, c'était dur. Pourtant, c'était quelque chose à quoi j'étais habitué, la fuite amenais la solitude, c'était inévitable. Je me traînais parmi cette foule beuglante telle une âme en perdition. J'allais traîner dans le treizième quelque temps, mais pas plus de deux semaines. Il ne fallait pas que l'on me retrouve... Je n'apporte que le malheur. Cette matinée était particulièrement pluvieuse et le ciel grisâtre n'améliorait pas mon moral. Je ne souffrais pas trop de cette pluie, ayant passé la matinée à chercher un petit job à mi-temps. J'avais finalement trouvé ce que je cherchais, grâce à un petit café situé près d'une université. Resté à trouver où loger. Ce point était le plus problématique et m'arracha un soupir.

Je n'avais plus vraiment de quoi m'occuper, ayant finalement trouvé un job, mais qui, ne débuterai que le lendemain. Je finis donc par m'autoriser un petit achat: Un b café a emporté. Pour échapper à la pluie, je finis par faire un tour à la Nakano Broadway, la petite galerie marchande pour otakus. J'admirais tel un gamin des dernières sorties exposées fièrement derrière les vitrines. Parfois, je griffonnais des croquis en voyant tel ou tel goodies, décidant de m'en inspirer pour un éventuel futur tableau. Mais la nostalgie me rattrapa: si je n'avais pas fui, je serais en train de faire cela avec Nobu'. Les larmes me montaient aux yeux, tandis que je fuyais en courant sous les regards curieux et réprobateurs des passants que je bousculais sans même m'excuser.

Ma course m'entraîna devant la porte d'une boutique. Une boutique de masque. Cela me fit penser que le mien était cassé. L'avant-veille, une autre goule solitaire avait convoité mon repas. Durant la bataille, il avait brisé mon masque en deux. C'était sûrement risqué de le faire réparer dans une boutique-t-on ne sait jamais avec le CCG- mais je n'avais guère d'autre choix, le créateur de ce masque avait péri, lui aussi. J'entrai donc dans la boutique. Les rayons du crépuscule réfléchissaient la lumière au travers des gouttes qui dégoulinaient de mes cheveux. Je n'étais pas vraiment présentable et cela me contraria. Ma mauvaise humeur s'accentua lorsque je remarquai la vendeuse: une femme qui malgré ses cheveux négligés et ses traces de peinture était malgré tout séduisante. Dame Nature était vraiment une sadique. J'aurai donné tout pour être une femme pareil.
"- Bonsoir. Je peux vous aider ?"
" Bonsoir, excusez moi de vous déranger à une heure pareil. Ce serait pour une réparation." Demandais-je poliment, d'une voix trop féminine à mon goût.
Je ravalais ma rancoeur et ma jalousie. Après tout, ce n'était pas la vendeuse qui était responsable de mon hermaphrodisme.
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Gin Nakagawa




Gin Nakagawa
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Elle détailla rapidement le client d'un regard sans doute trop curieux pour être poli. Elle était comme ça, Gin, à scruter les gens, espérant peut-être entrapercevoir un fragment de leur âme, de leur esprit, à travers les couches de vêtements et de peau. On lui avait souvent reproché cette manie de déshabiller du regard, qui la rendait sans doute insolente, au premier abord. Elle tentait pourtant seulement de se débarrasser de cette lassitude qui la rongeait depuis le début de la journée, s'intéressant à ce client et à ce qu'il venait faire ici. Il était tout juste plus grand qu'elle, ce qui était assez rare, vu sa taille à elle, plutôt fluette. Elle admira un instant ses cheveux noirs comme la nuit, parés de doux reflets d'un bleu sombre qui irisaient sous les lumières trop vives de la boutique. Et surtout, il y avait ses yeux, d'un bleu pale, comme la glace. Elle ne put qu'admirer cette couleur céruléenne, elle qui parait chaque matin ses yeux de vert. Ce qui, pourtant, l'intrigua le plus, l'attira le plus, c'était cette grâce presque féminine qu'il dégageait, cette élégance délicate qui faisait lieu d'aura, à peine perceptible. Ce n'était pas dans sa manière de se tenir, de bouger, de s'habiller, c'était quelque chose dans sa manière d'exister. Gin, elle trouvait ça diablement beau.

- Bonsoir, excusez-moi de vous déranger à une heure pareille. Ce serait pour une réparation.

La rouquine hocha doucement la tête, son intérêt grandissant pour la personne en face d'elle reléguant au placard toute sa paresse. Sa voix même était l'incarnation de cette aura ambiguë qu'elle sentait émaner de lui. Elle lui fit signe de s'avancer, de ne pas rester ainsi sur le pas de la porte. Elle n'allait pas le manger. Du moins, pas maintenant, alors qu'elle lui portait soudainement un tel intérêt. Elle l'espérait, que cette rencontre anodine égayerait un peu sa journée monotone. Elle ouvrit son carnet à une page vierge, attrapa un crayon à papier et, appuyée sur le comptoir, elle croqua un rapide portrait du jeune homme, à défaut de pouvoir noter de véritables coordonnées. Gin fut presque déçue qu'il ne s'agisse que d'une réparation, inspirée qu'elle était par ce personnage qui se tenait face à elle. Il avait l'air presque crispé, ce qui contrastait avec elle, rendue presque extatique par cette délicieuse rencontre qui la ravissait déjà. Gin, il fallait lui plaire. Gin, il fallait la fasciner. Autrement, elle ne restait qu'une créature fade et désintéressée, peu loquace, une carcasse vide. C'était les autres, leurs singularités, leur beauté propre, qui insufflait en elle cette petite étincelle temporaire de vie. Gin, elle devait se raccrocher à la lumière des autres pour ne pas sombrer dans son brouillard à elle.

- Je m'occuperai de votre réparation, alors. Puis-je connaitre votre prénom ?

Elle parlait avec douceur mais ses yeux pétillaient déjà de cette lueur de curiosité. Elle devait les connaitre, ses client, pour qu'émerge en elle une certaine motivation, et surtout, son inspiration.

- Ah, laissez-moi voir votre masque, ajouta-t-elle ensuite.

Elle se rapprocha de lui, replaça une mèche flamboyante derrière son oreille, réflexe qui ne saurait la quitter. Gin scruta le masque brisé dans ses mains, et ses lèvres roses s'étirèrent en un sourire ravi. Elle ne reconnaissait le travail d'aucun de ses collègues dans le masque qu'il lui présentait, et se délectait pourtant de la délicatesse du travail présenté. C'était une véritable oeuvre d'art. Plus que la technique qui s'en dégageait, c'était sa forme qui faisait sourire la rouquine, simplement parce c'était, sans le moindre doute, un élégant reflet de l'âme de son propriétaire. Le masque lui évoquait un papillon, bel écho de ce qu'elle avait pressenti au sujet du jeune homme. Ce n'était qu'une réparation, pourtant, elle était aussi emballée - voire plus - que s'il lui avait demandé un véritable masque.

- C'est du merveilleux travail, commença-t-elle. On dirait un papillon.

Elle releva les yeux vers lui, plongeant sans détour ses yeux verts dans ses orbes bleutés. Elle l'observa un moment en silence, sans cesser de sourire, de son sourire malicieux. Elle se détourna finalement, pour aller chercher quelques outils. La réparation, elle pouvait la faire maintenant. Elle voulait la faire maintenant, laissant tomber l'autre masque sur lequel elle travaillait. Elle ne voulait surtout pas perdre cette énergie créatrice qui l'habitait, à l'instant même. Ça serait un terrible gâchis.

- Oui, continua-t-elle avec douceur. Vous dégagez bien cette élégance presque aérienne. Elle marqua une pause pendant un instant, se retournant à nouveau vers lui. Enfin, ne faites pas attention à ce que je dis.

Les outils en main, elle était déjà prête à travailler. Pourtant, elle comptait bien, cette fois-ci, ne pas travailler en silence. Non, elle voulait creuser encore plus loin, découvrir cette belle élégance, l'entendre parler, encore.

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Shiki A. Fukastu




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La jeune demoiselle me fit signe d'avancer, ce que je fis non sans une certaine réticence: elle me scrutait et me dévisageait, comme si elle cherchait à sonder mon âme, la particularité de mon essence. Cela raviva davantage le malaise qui me consumait depuis l'adolescence. Je n'ai pas d'identité et mon essence n'est que succession d'erreurs contre nature. Cependant, les yeux verts de la jeune femme étincelaient de curiosité. Cela me laissa perplexe.

 Malgré ma réticence, je m'avançais donc, essayant de calmer mon irritation grâce à l'atmosphère de la boutique. J'ai toujours aimé ce genre de boutique, c'était calme et serein. De plus, cela me rappelait Sen. La nostalgie m'envahit de nouveau, mais pas la même nostalgie que celle ressentie lorsque je pense à Nobuharu. Cette nostalgie-là était légère, agréable. Elle dessina un fin sourire sur mes lèvres.
"Je m'occuperai de votre réparation, alors. Puis-je connaître votre prénom ?" Cette voix emplie de curiosité me réveilla. Je reportai mon attention sur la vendeuse et finis par répondre, hésitant entre mes deux prénoms:
"Ah ! oui, Erm... Shiki."
Quelle galère de ne pas avoir d'identité fixe. je retins in extremis un soupire. Puis je pris le masque brisé qui était rangé dans mon sac.

 La vendeuse prit donc mon masque. Je surveillais, ses moindres fais et gestes un peu tendus. Çe masque est précieux, il vient de Sen. La jeune femme à la chevelure flamboyante semblait emballée... Je compris pourquoi à ses paroles:
"C'est du merveilleux travail", commença-t-elle. "On dirait un papillon."
Sa remarque me fit sourire, son attitude envers le travail de Sen me fit sourire. Et je pouvais sentir l'aspiration d'une véritable artiste émaner d'elle. Cela apaisa mon mal-être.
"Oui", continua-t-elle avec douceur. "Vous dégagez bien cette élégance presque aérienne." Elle marqua une pause pendant un instant, se retournant à nouveau vers lui. "Enfin ne faites pas attention à ce que je dis."
Je souris franchement. Oui, cette fille était une véritable artiste. C'était rare de nos jours.
"C'est bien la première fois que l'on parle de moi ainsi, d'habitude on me considère plutôt comme une erreur de la nature." Je marquai une pause avant de reprendre. "Oh, vous savez, tout ce que l'on dit mérite une attention."
J'avais au début essayé de rendre ma voix plus masculine, mais j'avais abandonné en cours de phrase. Depuis mon expérience avec Nobuharu, cela me semblait ridicule.
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Gin Nakagawa




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Il sembla hésiter un instant. Cette simple hésitation, d'un fragment de seconde, rappela à Gin que certains clients ne voulaient pas forcément révéler leur identité. Cette volonté qu'ils avaient de préserver leur identité, ça avait tendance à raviver la curiosité de la rouquine. Sa paranoïa, aussi. Et si c'était des inspecteurs ? Pour elle, qui vivait comme une vagabonde aux semelles de vent, qui ne s'installant jamais nulle part par manque de moyen ou par peur, avoir un point d'ancrage était à la fois rassurant et terrifiant. Gin, elle portait toujours cette angoisse irrationnelle qu'un jour, tout vole en éclat. Elle ferma longtemps ses paupières, le temps que ses pensées maussades ne s'évanouissent.

- Ah ! oui, erm... Shiki.

Elle hocha doucement la tête, et traça doucement les lettres qui composaient son prénom dans le carnet usagé. Elle commençait à apprendre les rudiments de l'écriture, et même si elle était encore incapable de lire ou d'écrire des phrases intelligibles, elle était au moins capable de tracer les caractères qui composaient un prénom. Non sans fautes, certainement.

- Enchantée, Shiki. Je suis Gin.

Shiki avait l'air assez las, presque mélancolique, pourtant quand Gin se saisit de son masque, elle eu l'impression que tous ses muscles s'étaient tendus, comme un félin prêt à bondir. Ce masque délicat, qu'elle manipulait avec douceur de ses mains ivoires, semblait avoir une valeur sentimentale aux yeux du jeune homme. Il choisissait de le faire réparer plutôt que d'en acheter un nouveau, Gin se doutait donc que ce n'était pas qu'une pacotille à ses yeux, mais plutôt l'incarnation de souvenirs qu'il refusait d'ensevelir, d'effacer de sa mémoire.
Il dévoila enfin un doux sourire, alors qu'elle complimentait le travail que l'artiste avait effectué avant elle. Cet attachement qu'il semblait vouer à l'oeuvre qu'elle avait dans les mains conforta Gin dans l'idée qu'il s'agissait bien d'un objet spécial à ses yeux, une de ces objets qui porte les douceâtres réminiscence d'un passé évanoui. Elle déposa le masque sur une table de travail, observant un instant les couleurs iridescentes sous la lumière blanche, presque fluorescente, des néons.

- C'est bien la première fois que l'on parle de moi ainsi, d'habitude on me considère plutôt comme une erreur de la nature.

Elle leva les yeux, interloquée, non seulement par ce qu'il disait, mais aussi par sa voix, bien plus grave qu'elle ne l'avait été auparavant. A son ton, à cette phrase, Gin pouvait prédire qu'il avait connu la même solitude qu'elle, cette indépendance forcée, cette malchance qui marquait bien souvent la vie des goules. Ils étaient nés du mauvais côté du mur, tous les deux. Ils étaient de l'espèce des rebuts, des moutons noirs. L'impression qu'ils étaient semblable s'imposa dans l'esprit de la rouquine. Pourtant, il lui semblait qu'il y avait quelque chose de plus, chez lui. C'était un pressentiment qu'elle ne saurait définir, un sorte d'instinct presque animal qui le lui hurlait. Elle ne pouvait pourtant pas se permettre de l'observer à la loupe pour trouver d'où lui venait cette sensation. Il avait déjà l'air suffisamment mal à l'aise à la simple demande de son prénom, alors Gin ne voulait pas le brusquer.

- Oh, vous savez, tout ce que l'on dit mérite une attention.

Gin lui offrit un doux sourire. Il était rare que l'on s'intéresse à ses divagations moroses, qu'on ne méprise pas ses dires, trop souvent considérés à côté de la plaque. Elle commença à travailler avec soin, réfléchissant en même temps à ce qu'il venait de lui dire.

- Une erreur de la nature ? Elle arqua un sourcil. Je ne vois pas pourquoi.

Elle réfléchit un instant. En un sens, l'existence même des goules était contre nature, aux yeux du monde ; et les goules cannibales renforçait encore cette image de créature méprisables et sauvages qu'ils renvoyaient aux humains. D'un côté, elle s'en voulait de participer à la déchéance de sa race, pourtant, elle était incapable de se contrôler. Mais elle était persuadée qu'il ne parlait pas par là de sa nature de goule. Pourtant, elle était incapable de voir où il voulait en venir. Au fond, ce n'était pas sa préoccupation essentielle. Elle voyait en lui une source d'inspiration merveilleuse, un être différent, et exceptionnel par cette différence. Gin se mit à chantonner alors qu'elle travaillait sur le masque. Brusquement, elle s'interrompit, releva à nouveau ses cheveux roux en un chignon, et se remit au travail.

- Au contraire, je trouve que vous avez quelque chose d'exceptionnel, commença-t-elle, avant de s'interrompre. Mais je ne saurais vous dire quoi.

Elle se détourna du masque pour aller chercher de nouveaux outils, avant de se remettre à travailler doucement. Elle releva brusquement la tête, son regard d'un vert absinthe rencontrant alors les iris bleutés de Shiki.

- Je dirais que c'est votre aura. Enfin, c'est difficile à décrire, lâcha-t-elle sans détour, un sourire se dessinant sur ses lèvres roses.

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Shiki A. Fukastu




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La demoiselle à la chevelure flamboyante nota mon nom dans son carnet. Au vu de son tracé, il était aisé de deviner qu'elle n'était pas familiarisée avec l'écriture. Étrange... Hormis pour les goules, l'école était quelque chose d'accessible. Ce pourrait-il qu'elle soit une goule également ?
"Enchantée, Shiki. Je suis Gin." Répondit-elle à l'annonce de mon prénom.
J'hochai la tête. Au moins cette femme était polie. Peut-être était-elle une goule comme moi, une créature machiavéliqueet méprisée par les humains et le CCG. Nous sommes pire que des félins carnivores. Mais tout est relatif, non ? Nous n'avons pas choisi d'êtres goules. Nous avons eu la malchance de naître goule. Et à cause de cela nous sommes traqués et tuer sans cesse. Cela me fit soupirer.
"Une erreur de la nature ?" Elle arqua un sourcil. "Je ne vois pas pourquoi." Déclara la demoiselle, me sortant de mes pensées.
Sa remarque manqua de m'arracher un léger rire jaune. Il était logique qu'elle ne comprenne pas, mon hermaphrodisme n'était pas écrit sur mon front. Je pouvais malgré tout prédire sa réaction si elle l'apprenait : une mine horrifiée et dégoûtée. Rien que ça. Mais j'avais l'habitude.

La fabricante chantonna tandis qu'elle réparait le masque. Je la laissa faire en observant la lumière du crépuscule inonder la pièce. J'appréciai une nouvelle fois cette ambiance et ce calme.
"Au contraire, je trouve que vous avez quelque chose d'exceptionnel" commença-t-elle, avant de s'interrompre. "Mais je ne saurait vous dire quoi."
Je fus totalement surpris. Il était évident qu'elle ignorait de quoi elle parlait, sinon elle n'aurait jamais dit cela... Mon hermaphrodisme n'est pas exceptionnel. Elle se détourna, allant chercher de nouveaux outils d'après le bruit que j'entendait.
"Je dirais que c'est votre aura. Enfin, c'est difficile à décrire" lâcha-t-elle brusquement à son retour, un sourire se dessinant sur ses lèvres.
Nouveau choc. Je m'appuyai sur un mur d'une main pour ne pas défaillir. Sen avait fait la même remarque, lorsque qu'il m'avait vu en tant qu'Amarylis. Il avait dit que j'avais un côté sauvage masculin s'alliant avec la grâce de ma féminité.
"Ah... C'est gentil." Réussi-je à murmurer.

Alors que la demoiselle trop optimiste continuait son travail, une lycéenne entra dans la boutique en courant. En me remarquant elle me passa à la loupe avant de sourire et de m'agripper précipitamment, me faisant trébucher.
"Je vous ai retrouvé !"
C'est qui cette gamine ? Bon sang, c'était aussi incongru que de débarquer et hurler "Luke, je suis ton père !" Lui a-t-on apprit la politesse ? Je m'écartai d'elle sans ménagement. Ce genre d'attitude non-féminine me met en rogne.
"J'étais cliente au café où vous travaillez avant ! Vous avez disparu tout d'un coup ! Alors quand je vous est vu au travers la fenêtre, j'ai été surprise!"
Génial, une stalkeuse. Est-ce que j'ai l'air du genre à aimer les stalkeuses ? Pauvre gamine.
"Je vois." Fis-je, glacial.
La gamine ne semblait pas pour autant touchée par mon attitude antipathique. Bon sang, au secours.
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Gin Nakagawa




Gin Nakagawa
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Il semblait en état de choc, plutôt secoué par la dernière phrase que Gin avait lâché en toute innocence. Sans doute ferait-elle mieux de tenir sa langue, puisque ses réflexions trop intrusives avaient l'air de le déranger bien plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Les mains de la rouquine s'arrêtèrent de bouger, puisqu'elle interrompait son travail pour vérifier si Shiki allait véritablement bien. De ses yeux verts, elle lui jeta un regard inquiet. Elle avait peur de l'avoir froissé, heurté même par sa remarque anodine et pourtant visiblement emplie d'un sens qu'elle-même ne comprenait pas. Appuyé sur le mur, il avait l'air mal à l'aise, ou en tout cas bien plus qu'on ne devrait l'être après une telle phrase. Gin, elle voulait seulement le réconforter, lui confier son ressentit pour lui faire comprendre qu'il n'était pas aussi... abject ? qu'il avait l'air de le penser. Elle était sur le point de lui demander s'il se sentait bien, de s'excuser, quand il la devança.

- Ah... C'est gentil.

C'était un murmure, une phrase se voulant rassurant prononcée juste du bout des lèvres, renforçant l'impression de Gin d'avoir fait quelque chose de travers. Dit quelque chose d'incorrect. Mais s'il affirmait aller bien, alors cela ne dépendait plus d'elle. On la payait pour faire, pour réparer des masques, pas pour jouer à la psychologue. De toute façon, elle ne serait pas vraiment douée pour ça, Gin. Elle se remit à travailler avec attention, manipulant précautionneusement le masque, comme s'il s'agissait véritablement d'une aile de papillon. Un fracas la fit pourtant sursauter, lâchant ses outils sur la table. Elle reprit le masque dans ses mains de porcelaine, et l'observa sous toutes les coutures pour vérifier que, sous le choc, celui-ci ne s'était pas brisé à nouveau. La rouquine leva la tête vers la personne qui était entrée dans sa boutique, la dévisageant avec un regard blasé. Elle n'aimait pas être dérangée ainsi alors qu'elle travaillait, Gin, surtout par une gamine qui était entrée en courant et piaillant sans ménagement. Elle lui lança un dernier regard désabusé, presque dégoûté, avant de se remettre à travailler, faisant comme si elle ne l'avait pas entendue. La rouquine portait à peine attention à ce que cette pauvre fille pouvait bien raconter, totalement désintéressée par cette personne visiblement dénuée de toute délicatesse.
Mais ce n'était pas pour Gin que la jeune fille était venue, mais plutôt pour son client, visiblement, braillant qu'elle l'avait enfin retrouvé, puis commençant à s'épancher sur la vie de Shiki, puis sur ses sentiments à elle. Gin, elle n'en avait que faire. Elle était à deux doigts de l'éconduire gentiment, de lui demander de sortir de sa boutique et de ne plus jamais y mettre les pieds. Mais puisque finalement, cette histoire ne la concernait pas, elle laissa le brun régler ses affaires avec elle, n'écoutant leur conversation que d'une oreille. Il ne donnait pas l'impression d'avoir envie de la revoir, s'écartant d'elle sans ménagement, lui répondant sur un ton à la froideur inégalable. C'était un peu brusque comme réaction, face à une fille de cet âge - soit plus jeune de Gin, de quelques années. Mais la rouquine ne vit là qu'une occasion de se débarrasser de cette source de bruit et de distraction qui, simplement par ses mots et ses gestes, pompait comme un parasite toute son énergie.

- Bon, il n'est pas intéressé, désolée, entama-t-elle, une pointe d'agacement dans la voix. Il vous faut partir maintenant.

Elle avait tenté de s'adoucir en prononçant sa dernière phrase, mais son ton restait finalement ferme, presque sec, et aucunement sympathique. Gin abandonna même son travail pour lui ouvrir la porte, et la regarder sortir en râlant tout en l'encourageant à ne pas revenir. Elle referma la porte de la boutique avec un long soupir. Quelle perte de temps, quelle perte d'énergie. Elle n'avait pas signé pour devoir éconduire ce genre d'individus. Elle voulait juste créer, dans le calme. En se remettant à travailler, elle jeta un regard indifférent à Shiki.

- Vous la connaissez d'où ? demanda-t-elle, plus préoccupée par le fait de réduire la tension que réellement intéressée.

Elle s'interrogea un peu sur sa réaction, qu'elle trouvait un peu brusque, presque exagérée. Il avait presque l'air effrayé par cette fille à l'énergie trop débordante et à la langue bien pendue. Elle n'osait pourtant pas demander quoi que ce soit, de peur de causer en lui un nouveau malaise, et de le pousser à la fuir, pour esquiver sa curiosité mal placée qui ne plaisait pas à tout le monde.

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Shiki A. Fukastu




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La fabricante de masque semblait tout aussi perturbée que moi par cette gamine aux vêtements roses fluorescent qui sautillait partout. Je crus même l'avoir vu lâcher le masque sous l'effet de la surprise. C'est compréhensible, vu l'attitude de la gamine, typiquement le genre d'attitude que je méprise.
" Bon, il n'est pas intéressé, désolée" entama-t-elle, une pointe d'agacement dans la voix. "Il vous faut partir maintenant."
Oh, quelle merveilleuse idée ! Heureusement, la demoiselle semblait, elle aussi, vouloir que cette gamine intrusive parte. Elle alla même jusqu'à ouvrir la porte. Je poussai un soupire de soulagement. En regardant par la fenêtre, je remarquais que le crépuscule était lentement en train de décliner. La jeune demoiselle ne fera-t-elle pas des heures supplémentaires par ma faute ?
"Vous la connaissez d'où ?" Demanda-t-elle, interrompant mes pensées.
"Une ancienne habituée du café où je travaillais..." Commençais-je, "Dites, j'espère que vous ne faites pas d'heure supplémentaire par ma faute ? Je peux attendre demain si vous préférez."
Je ne voulais vraiment pas embêté cette jeune femme, qui semblait, contrairement à l'autre gamine, polie et respectable.

Alors que le calme était enfin revenu, la porte s'ouvrit de nouveau dans un fracas, soulevant un nuage de poussière.
"Pfeuh, de toute façon, tout le monde dit que t'es trop androgyne pour être un vrai mec, la honte !" Fit la voix de la gamine de façon machiavélique.
Mon sang ne fit qu'un tour. Elle voulait se venger parce qu'elle avait été rejetée ? Elle ne savait pas à qui elle avait affaire ! Je m'élançai à la poursuite de la gamine, lançant un "Je reviens tout de suite !" À la jeune femme dénommée Gin. Je courais à en perdre haleine. J'avais envie de l'ensevelir, de lui sauter dessus tel un félin et de la dévorer. Malheureusement, la foule étant dense, je perdis de vue ma cible et je dus me résoudre à abandonner ma poursuite, ne voulant pas trop m'éloigner de la boutique.

Je revins donc dans la boutique. Le trajet du retour et le bol d'air m'avaient néanmoins calmer. Gin travaillait avec habilité, dans le calme retrouver. Je souris légèrement fasciné par son travail. Je chuchotai un "désolé d'être parti si soudainement." Et la laissa travailler en paix. Les mots de la gamine me trottaient en tête et agissait sur moi tel le venin d'un serpent. Je secouai ma tête, espérant vainement de chasser cette idée dérangeante. Plus le temps passait, moins je savais comment me comporter. Plus le temps passait, moins je savais qui je voulais être.
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Gin Nakagawa




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Il avait l'air pensif, laissé déboussolé par la soudaine apparition de la jeune fille qui était passée comme une tornade dans la boutique, laissant derrière elle bien plus de ravages que Gin n'aurait pu l'imaginer. Des ravages internes, seulement dans leurs cœurs et dans leurs têtes, entre la rouquine qui ne pouvait s'empêcher de se questionner au sujet de l'agressivité de la réaction de Shiki, et celui-ci qui semblait presque déconnecté, secoué par cet ouragan rose.

- Une ancienne habituée du café où je travaillais...

Elle avait simplement hoché la tête, sans quitter des yeux le masque sur lequel elle s'était remise à travailler, essayant de se concentrer à nouveau malgré l'irruption brusque de la gamine. Il n'avait pas l'air de vouloir en parler tant que ça, ainsi Gin s'abstint de lui poser plus de questions. Il ne faisait que répéter ce qu'elle avait déjà dit en entrant dans la boutique. Peut-être que leur relation n'allait pas plus loin que ça, et que Gin s'était laissée tromper par l'aspect profondément dramatique de son entrée et de sa déclamation. Une histoire sans lendemain, pas d'histoire du tout, ou peut-être autre chose, au fond, la rouquine n'en avait que faire. Tant qu'il l'inspirait pour travailler, elle n'avait aucune envie de connaitre sa vie personnelle, aussi épanouie - ou pas - soit elle. Les histoires de cœur des autres, ce n'était pas sa tasse de thé.

- Dites, j'espère que vous ne faites pas d'heure supplémentaire par ma faute ? Je peux attendre demain si vous préférez.

Gin leva vers lui des yeux vaguement interrogatifs. Il avait brusquement changé de sujet, mais ce n'était, finalement, pas pour lui déplaire, profondément désintéressée qu'elle était par cette fille. Elle regarda à l'extérieur de la boutique, pour voir en effet que le crépuscule arrivait à son terme, ce qui - malgré l'hiver - annonçait que l'heure de fermeture de la boutique était proche. Les teintes violacées du ciel qui s'assombrissait captivèrent un instant son regard absinthe. Elle aimait toujours le moment auquel le ciel se parait de son manteau de velours nuit, signait l'apparition des premières étoiles, comme des cristaux dans le ciel sombre. Elle se concentra à nouveau sur Shiki. Répondre à sa question. C'était impoli, de le laisser attendre ainsi, trop absorbée par la nuit pour penser à lui dire qu'il ne l'importunait nullement.

- Non, bien sûr que non ! déclara-t-elle finalement. J'aurai terminé avant l'heure de fermeture, ne vous en faites pas.

A nouveau, la porte s'ouvrit brusquement, arrachant à Gin un nouveau regard morne. Encore elle. Son ton était, cette fois-ci, insolent, insultant même, à l'égard de son client. La rouquine la fixa un moment de son air désabusé, sans vraiment savoir quoi répondre, si ce n'était l'inviter une nouvelle fois à disparaître de sa vue à tout jamais. Trop agaçante. Il avait pourtant réagit plus vite qu'elle, l'homme aux cheveux sombres, insulté personnellement par cette créature aux airs presque enfantins qui n'était réapparue que pour distiller son venin dans l'air de la boutique. Gin n'avait pas de temps à perdre - ni d'oxygène à gaspiller - avec les langues de vipère, elle fit donc le choix de l'ignorer royalement. Le temps qu'elle relève la tête, Shiki avait disparu en un éclair, la laissant seule dans la boutique à travailler sur le masque. Il allait revenir, de ce qu'il en disait, et la rouquine avait seulement acquiescé avec son regard de poisson mort. S'il avait de l'air à brasser pour tenter de réprimander cette fille, il était libre de le faire.

Le temps qu'il se présente à nouveau à elle, s'excusant de son brusque départ, Gin en avait fini avec la réparation exigée, n'ajustant plus que des petits détails. D'un signe vague de la tête, elle lui signifia qu'elle ne lui en tenait pas rigueur. Le calme qui emplissait à nouveau la boutique était suffisant pour qu'elle efface l'événement passé comme on efface une marque de craie sur un tableau noir. Futile. Inintéressant. Pourtant, cette remarque clamée avec ardeur et cruauté présentait, aux yeux de la rouquine, une certaine justesse. C'était cette chose sur laquelle elle n'arrivait pas à mettre le doigt auparavant. Ce côté androgyne qu'il dégageait, jusque dans son odeur qui n'était ni féminine, ni véritablement masculine. Oui, il y avait son aura. Mais maintenant que cette gamine avait mis le doigt précisément sur ce qui intriguait Gin, elle ne pouvait plus ce défaire de cette idée qui lui apparaissait pourtant comme improbable. L'impression sous-jacente qu'il n'était pas forcément ce qu'il avait l'air d'être ne la quittait plus, désormais.

- Ne l'écoutez pas, entama-t-elle pour briser le silence. Ce n'est qu'une enfant vulgaire qui ne sait même pas de quoi elle parle vraiment.

Parce que toi, Gin, tu sais tellement mieux ? Elle tenta en vain de chasser ses pensées qui tourbillonnaient dans son esprit dans un charabia incompréhensible. Elle en avait fini avec le masque, et attendait simplement, appuyée sur la table, que la peinture qu'elle avait appliqué pour les finitions ne sèche. Elle avait l'impression d'avoir mis le doigt sur quelque chose de secret, presque tabou, pourtant elle n'osait pas énoncer à voix haute la question qui lui brûlait les lèvres. Qui es-tu vraiment ?

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La demoiselle à la chevelure flamboyante ne m'avait pas menti : je constatais qu'elle avait presque fini, ajoutant juste quelques finitions de peinture. Cela me fit penser que je n'avais jamais essayé de peindre un masque. J'esquissai un léger sourire, me disant que j'essayerai à l'occasion. Mais l'écho des paroles de la gamine me fit vite perdre le sourire. Je suppose que c'était mes anciens collègues qui, eux, étaient au courant et lui avaient subtilement glissé des remarques. Bon sang, je savais que j'aurais pas dû les dévorer.
"Ne l'écoutez pas" déclara la vendeuse. "Ce n'est qu'une enfant vulgaire qui ne sait même pas de quoi elle parle vraiment."
"Si justement, elle sait."
Les mots avaient glissé de ma bouche sans que je ne puisse les retenir. J'avais finalement craqué sous le poids de toutes les questions qui me tourmentaient depuis des semaines. Atterré par cette révélation non-contrôlée, je plaquai ma main devant ma bouche.

Je mis un temps à me reconnecter à la réalité. C'était un miracle que je n'aie pas fait de crise d'angoisse.... Enfin je suppose que c'était parce que j'en avais fait beaucoup trop ces derniers temps. La dénommée Gin attendait appuyée sur la table que le masque sèche. Je me décidai à de briser la glace, de toute façon... Foutu pour foutu...
"Enfin elle a raison tout en ayant tort. Dame nature aime les paradoxes hideux." Chuchotai-je "C'est fini ?" Demandai-je avec plus d'aplomb, afin de ne pas me laisser déprimer.
J'avais quelque peu hâte de récupérer mon masque, d'une part car il s'agissait de l'œuvre de Sen et de l'autre parce que je ne supportais pas le poids de cette révélation.
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Gin Nakagawa




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- Si justement, elle sait.

Les mots avaient jaillis de ses lèvres, comme incontrôlés. Comme s'il ne pouvait plus retenir cette révélation qu'il contenait depuis trop longtemps, bien trop longtemps. Gin avait simplement haussé les sourcils en hochant doucement la tête. C'était logique, en effet. Cette simple déclaration assemblait doucement toutes les pièces du puzzle dans l'esprit de la rouquine, réunissant par un fil rouge chaque événement anodin qu'elle avait noté depuis son entrée dans la boutique. Sa première impression, d'abord, puis ses insinuations, sa réaction vis-à-vis de la fille, cet espèce que malaise qu'il semblait ressentir face à ses questions insidieuses. Les réponses qu'il lui avait apportées prenait soudain un tout autre sens, bien plus clair aux yeux de Gin. Elle resta silencieuse, cette fois-ci, pesant le poids de ce qu'il venait de déballer. Et surtout, elle se demandait depuis combien de temps il portait ce fardeau sur ses épaules, seul, sans le partager avec qui que ce soit. Il plaquait sa main devant sa bouche, preuve qu'il n'avait aucunement l'intention de partager ce secret avec la jeune femme qu'il venait tout juste de rencontrer, et qui se tenait simplement là en ressassant leur rencontre, percevant sous un angle différent tout ce qu'il lui avait dit. Même ce papillon, il prenait un sens nouveau. Dans une volonté de le rassurer, Gin lui offrit un sourire doux. Son fardeau, il pouvait le partager avec elle. Elle n'en parlerait pas, à personne. Calomnier, propager les rumeurs, elle n'y trouvait pas d'intérêt.

- Enfin elle a raison tout en ayant tort. Dame nature aime les paradoxes hideux.

Gin fit la moue. Il se dévalorisait beaucoup. Beaucoup trop. Elle en était certaine, sa vie n'avait jamais dû être facile, parce qu'il était né goule, et parce qu'il était né dans un corps qui l'obligeait à se poser des questions sur son identité, sur ce qu'il était vraiment. En était née goule, et simplement femme, Gin s'était déjà souvent demandé ce qu'elle était, ce qu'elle pouvait être, ce qu'elle devait être. Alors dans son cas, cela devait être mille fois plus compliqué, surtout s'il devait faire face à des individus qui se montraient aussi agressifs que la jeune fille qui s'était désormais volatilisée. Pourtant, elle ne devait pas être la seule, Gin, à trouver une beauté certaine dans cette ambiguïté qui lui procurait une délicatesse propre et une élégance particulière. Elle n'était pas la seule à savoir reconnaître la beauté, au fond.

- C'est fini ?

Il avait presque l'air pressé, désormais, et Gin craignait que sa révélation ne soit la source d'un nouveau malaise qui le pousse à décoller de la boutique pour ne plus jamais y revenir. La rouquine ramassa le masque sur la table, et le tourna doucement entre ses mains pour vérifier son travail. Elle ne voulait pas rendre quelque chose d'incomplet, ou pire encore, de sale. Mais l'ancienne fissure avait presque totalement disparu, laissant une démarcation à peine visible. Pour remarquer que le masque avait été fracturé, il fallait s'y pencher, le regarder avec minutie. Mais Gin la voyait toujours, cette fissure, de ses yeux précis et expérimentés, et fronça donc les sourcils en la remarquant. Elle n'était pas satisfaite de son travail. Elle lui tendit pourtant le masque, pour qu'il puisse juger lui-même. Elle avait fait de son mieux, au vu de l'état initial de l'oeuvre.

- Je ne dirais pas hideux, au contraire, déclara-t-elle avec un sourire.

Elle avait le sentiment, sans doute subjectif, qu'il avait besoin qu'on le lui dise, qu'il était beau. Parce qu'on n'avait pas dû lui dire assez souvent, parce qu'il n'en avait peut-être pas conscience. Elle le laissa regarder le masque en silence, arborant un sourire paisible. Elle se voulait avenante, pour ne pas rendre l'atmosphère qui lui semblait presque étouffante plus pesante encore.

- Cela vous convient ? demanda-t-elle finalement. J'aurais voulu faire mieux, mais au vu de son état initial, je ne pouvais malheureusement pas faire grand chose de plus.

La rouquine avait l'air désolée. Et elle l'était, sincèrement, parce qu'elle voulait toujours que ses oeuvres soient parfaites, même s'il ne s'agissait alors que de la restauration du travail d'un autre. Rendre quelque chose de brouillon, ça ne lui ressemblait pas. Et même si la retouche ne se voyait presque pas, tant qu'elle la voyait, ça la dérangeait. Gin, elle était perfectionniste, quand on en venait au masque. Cette rigueur dans la création pouvait paraître surprenante, rapport à la vie débraillée qu'elle menait depuis un long moment maintenant. Mais ce travail, c'était presque tout ce qu'elle avait, et l'art, son dernier lien avec la société humaine. Elle chérissait ce lien plus que tout dès lors, pour ne jamais le perdre.

- Vous avez l'air mal à l'aise, constata-t-elle ensuite. Tout va bien, je ne vais pas vous manger.

Elle s'appuya à nouveau sur la table de travail, toujours avec cette attitude nonchalante qui contrastait avec l'intransigeance dont elle faisait preuve vis-à-vis du masque. Gin détacha finalement ses cheveux roux, les laissant cascader sur ses épaules. Incapable de supporter le silence, elle se mit à s'affairer pour ranger le matériel qu'elle avait sorti et dont elle était sûre de ne plus avoir besoin.

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Shiki A. Fukastu




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La rouquine ramassa le masque et l'observa sur toutes les coutures. Elle ne semblait pas vraiment satisfaite et je me demandais pourquoi.
"Je ne dirais pas hideux, au contraire" déclara-t-elle avec un sourire en me tendant le masque. Je le saisis avec délicatesse en souriant et la remerciant. Je remarquais bien qu'elle essaye de détendre l'atmosphère et j'appréciais, aussi, fis-je un effort moi aussi. J'inspectais le masque à mon tour et appréciai la qualité du travail. Je ne comprenais pas vraiment ce qui la faisait tiquer.
"Cela vous convient ?" demanda-t-elle finalement. "J'aurais voulu faire mieux, mais au vu de son état initial, je ne pouvais malheureusement pas faire grand chose de plus."
Elle semblait vraiment désolé. Cette sincère désolation me surpris et j'inspectai le masque une nouvelle fois pour essayer de comprendre la cause d'une telle désolation de la part de la jeune femme.
"Je ne vois vraiment pas ce qui vous désole à ce point..." Laissais-je échapper.
C'est alors que je remarquai. Si l'on examinais de très, très près avec minutie, on pouvait distinguer une légère marque. C'était cela qui la désolait ? Seulement cette petite marque ? Je souris. À mes yeux, cette réparation me convenait.
"Vous avez l'air mal à l'aise."constata-t-elle ensuite. "Tout va bien, je ne vais pas vous manger." Je gardais délicatement le masque entre mes mains. La demoiselle nommée Gin commençais à ranger les outils dispersés autour d'elle.
"Moi je trouve que vous avez fait de l'excellent travail..." Fis-je sincèrement. "Je vous dois combien ?"
C'est alors qu'une pensée s'imposa dans mon esprit. Les choses qui obsédaient les uns, n'était parfois rien que détails pour d'autres. Parfois, les gens se rendent malade, sans réalisé que l'objet de leur peur, n'est pas un mur infranchissable, mais une brindille sur leur passage... Se pourrait-il... Se pourrait-il que Nobuharu avait voulu me le faire comprendre ? Que pour lui, le fait que je ne sois pas complètement femme, ne change rien au fait que j'en sois une tout de même ? Sans m'en apercevoir, je réfléchissais tout haut à cette étrange révélation.
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Gin Nakagawa




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Elle le regardait examiner le masque en se tordant les mains. Elle était prête à tout recommencer s'il le lui demandait, se conformant au perfectionnisme qu'elle s'imposait au travail. Des créations millimétrées, un tel désir de beauté qu'il en devenait presque obsessionnel. Tout devait être parfait, droit, lisse, comme si ses oeuvres devaient représenter le total opposé de sa vie désordonnée et de son esprit déranger. Son art lui ressemblait peu, étrangement, teinté de ce que Gin appelait son "complexe de perfection". Elle ne saurait dire si cette constante insatisfaction l'handicapait dans son travail, ou au contraire, la poussait toujours au mieux, la faisait progresser de manière exponentielle. Elle pencherait plutôt pour la première option, finalement. Elle perdait beaucoup trop de temps à essayer de peaufiner des détails et corriger des imperfections qu'elle était la seule à voir.

- Je ne vois vraiment pas ce qui vous désole à ce point...

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire presque radieux, qu'elle réprima immédiatement, gênée. Il avait l'air d'apprécier son travail, sans remarquer la légère marque de la fissure qu'elle n'avait su camoufler, même en ayant recours aux nombreux artifices que sont la peinture, la colle, et autres outils. Gin essuya dans un torchon ses mains tâchées de peinture.

- Moi je trouve que vous avez fait de l'excellent travail... Je vous dois combien ?

Elle le remercia d'un sourire, réfléchissant alors au prix qu'on lui avait dit de faire payer pour les réparations.

- Je suis ravie que mon travail vous convienne, déclara-t-elle avec un sourire.

Il semblait perdu dans ses pensées, alors elle attendit qu'il se reconnecte à la réalité pour lui annoncer le prix de la réparation. Elle se demanda un instant si elle avait vraiment été trop intrusive avec lui, et si elle l'avait encore une fois mis mal à l'aise. Puis il se mit à marmonner, Shiki, à penser à voix haute sans vraiment le remarquer, sans pouvoir s'en empêcher, sinon. Gin se contenta de le laisser dans son monde, alors qu'elle passait derrière le comptoir pour accéder à la caisse. D'une oreille distraite, elle l'écoutait parler d'un certain Nobuharu, du fait qu'il soit une femme, ou peut-être pas complêtement. La rouquine peinait à suivre le fil de son marmonnement, se demandant s'il lui était adressé ou s'il se parlait seulement à lui-même. Alors c'était une femme, au fond, Shiki ? Gin ne saurait dire, ne saurait comprendre non plus. Les coudes posés sur le comptoir, le menton dans la paume de sa main, elle l'écoutait parler sans rien dire, son sourire désormais évanoui. Il avait l'air de ne pas savoir qui il voulait être, ni où il en était dans sa relation avec ce Nobuharu, et la rouquine ne pouvait qu'imaginer à quel point il devait être perdu, déboussolé.

- Qui est ce Nobuharu ? lâcha finalement Gin, pour le tirer de ses pensées.

Elle était de plus en plus intriguée, d'autant qu'elle comprenait lentement que s'il était homme en ce moment même, cela ne correspondait pas forcément à ce qu'il désirait, à sa nature profonde. Il représentait cette ligne floue entre les genres, semblant ne pas savoir lui-même ce qu'il voulait être. Quand enfin il la regardait, faisait à nouveau attention à elle, elle continua doucement :

- Ça fera 2000 ¥.

Elle dévoila alors un sourire malicieux. Alors c'était une femme ? Il avait l'air perdu, et Gin était presque attendrie par cette incompréhension qui perçait dans ses yeux. Elle aurait aimé l'aider, sans vraiment savoir comment. Lui tendre une main secourable, le guider vers qui il est vraiment. Mais venant d'une personne à la personnalité aussi aléatoire que Gin, c'était presque ironique. Sa personnalité, elle était changeante comme le vent, différente selon les gens, selon son humeur du jour, selon la date de son dernier repas. Elle qui ne savait même pas qui elle était vraiment, elle pourrait l'aider ?

- Tu sais, si ce Nobuharu t'aimes vraiment, je pense qu'il se fiche que tu ne sois... pas complètement femme, comme tu dis.

Elle s'était mise à le tutoyer, agacée par la politesse factice dont on la forçait à faire preuve. Sa phrase, elle n'était au final que pleine de bon sens. Cela lui permettait cependant d'aborder en douceur un sujet qui lui apparaissait comme sensible, même à elle, qui était du genre franche, presque brute. Camoufler sa curiosité déplacée derrière des jolies paroles, ce n'était pas son genre. On ne lui avait pas appris l'art de l'éloquence, seulement à parler franchement et brusquement pour dévoiler ce qu'elle avait derrière la tête. Elle en avait assez de la bienséance. Les conventions, elle les piétine. Elle avait trop envie de le comprendre.

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Mes pensées continuaient de suivre leur fil, bien que ce dernier soit totalement emmêlé. Il était totalement perdu, se contentant seulement de voleter de lumière en lumière sans trop savoir où il allait.
"Qui est ce Nobuharu ?" lâcha finalement Gin, comme pour me tirer de mes pensées.
Je sursautai légèrement et repris contact avec la réalité. Il semblerait que j'ai pensé à voix haute. Décidément, je ne fais que des gaffes. Je réprimai un rire jaune. Néanmoins, cette dénommée Gin ne semblait pas me vouloir de mal et bien que j'ai du mal avec les relations, j'arrivais assez bien à me débrouiller avec elle. Du moins, je pense.
"Ça fera 2000 ¥." Poursuivit-elle.
Je saisis mon porte-monnaie situé dans mon sac et déposa la somme demandée sur le comptoir. Puis, je répondis avec un léger sourire:
"C'était...supposé n'être qu'un colocataire."
Oui, c'était supposé n'être qu'un simple colocataire... Puis c'était devenu un ami et finalement... Et finalement... Le rouge me montait aux joues tandis que j'essayais de défaire le noeud de mes sentiments.

Je ne remarquai donc pas le sourire malicieux de la rouquine derrière la caisse qui fini par déclarer:
"Tu sais, si ce Nobuharu t'aimes vraiment, je pense qu'il se fiche que tu ne sois... pas complètement femme, comme tu dis."
Je ris légèrement, tandis que le crépuscule laissait enfin place à la nuit étoilée. Étrangement, je n'avais pas envie de partir, pas plus que je fus offusqué du tutoiement qu'employait soudainement la jeune femme. En fait, ce tutoiement m'apparaissait plus comme une demande d'amitié plutôt que comme une impolitesse. Et je n'avais aucune raison de refuser cette demande.
"En fait, je ne pense pas que ce soit lui le problème..." Commençais-je à mi-voix. "Le problème c'est que tout a changé d'un coup, toutes mes convictions se sont effondrées et ... J'ai pris peur... C'est totalement pathétique."
Oui, c'était pathétique d'avoir fui une nouvelle fois, comme si la fuite allait changer quoi que ce soit.
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Il eût ce rire amer, l'air presque confus, en réalisant qu'il avait pensé à voix haute. Il déposa la somme demandée sur le comptoir, et la rouquine s'en saisit d'une main froide tâchée de peinture, l'encaissant avec un geste machinal, presque mécanique.

- C'était...supposé n'être qu'un colocataire.

Supposé. Ce simple mot traduisait l'ambiguïté de la situation dans laquelle il se trouvait. S'il se posait des questions sur qui il était vraiment, il était logique que tout son univers se retrouve chamboulé. Sa manière d’appréhender les autres, elle devait changer du tout au tout, tout comme ses relations déjà construites. Des pans entiers de son passé qui s'effondraient, prenaient un autre aspect. Pourtant, y avait-il une réelle différence ? Sans doute que, amicalement parlant, cela ne changeait pas grand chose. Et il en allait de même aux yeux de Gin, elle qui s'intéressait tellement aux âmes de ceux qu'elle rencontrait, et tellement peu à la carcasse. Mais au vu du doux rose qui montait aux joues de Shiki, leur relation allait plus loin que l'amitié. Ou alors, leurs sentiments peut-être ? Ou seulement ceux du garçon qui se tenait face à elle ? C'était difficile à deviner, et cela ne valait, à ses yeux, pas la peine de poser la question. Elle n'avait pas à s'immiscer dans ses relations, alors qu'elle le connaissait à peine.

- En fait, je ne pense pas que ce soit lui le problème... Le problème c'est que tout a changé d'un coup, toutes mes convictions se sont effondrées et... j'ai pris peur... C'est totalement pathétique.

Gin hocha doucement la tête, compréhensive. Il avait ri, un peu, signe qu'il finissait par se détendre, malgré la curiosité maladive de la rouquine en face de lui, qui l'écoutait parler en buvant presque chacun de ses mots. Elle réfléchit à ce qu'elle pourrait bien répondre à ça. Parce que fuir, c'était sa spécialité, à elle, qui se détournait des problèmes plutôt que de les affronter, vagabondant toujours loin des potentiels soucis, bohème. La reine de cœur, au moins, elle avait le courage d'affronter les ennemis, c'est pourquoi elle avait, au fond, terriblement besoin de cette part d'elle, détraquée par la démence. Il n'y avait que comme ça qu'elle était capable de faire face, de résister. Autrement, elle préférait s'évader, disparaître du jour au lendemain, recommencer ailleurs comme si rien ne s'était passé. Elle aurait dû l'encourager à ne pas fuir, mais cela serait sans doute hypocrite de sa part.

- J'imagine que fuir n'est pas toujours la solution à tout.

Ce reproche, prononcé avec douceur, s'adressait à elle autant qu'au jeune homme. Elle ne se débarrasserait pas de ses démons en leur tournant le dos. Gin balaya pourtant ses propres problèmes, puisque même si elle n'avait toujours pas de lieu de vie fixe, elle se considérait plutôt chanceuse. Elle était libre, tellement libre, terriblement libre. Elle pouvait aller et venir comme elle le souhaitait, montrer son visage au grand jour sans que personne ne la reconnaisse, parce qu'aucun avis de recherche n'existait au sujet de Gin Nakagawa. Et surtout, elle avait rencontré des personnes qui lui faisaient du bien par leur simple présence, qui réussissaient à l'encourager, à faire face, sans l'appui de Thanatos et de l'insanité.
Elle repassa de l'autre côté du comptoir, et, de manière plutôt impromptue, se hissa sur la pointe des pieds pour déposer sur le front de Shiki un baiser léger, du bout de ses lèvres roses.

- Ne t'en fais pas, je suis sûre que ça va s'arranger pour toi.

Puis elle se détourna, avec cette malice qui perçait toujours dans ses yeux, attrapa les clés de la boutique et son manteau. D'un signe de la tête, elle lui indiqua qu'elle allait fermer la boutique, puis s'affaira pour éteindre toutes les lumières. Elle sortit ensuite, accompagnée de Shiki, et descendit le rideau de fer qu'elle verrouilla ensuite, gestes qu'elle effectuait sans y penser tant c'était une habitude que son corps avait assimilé sans y faire attention. Elle leva ensuite les yeux vers le ciel, absorbée par les nuages sombres qui flottaient dans la nuit. On lui avait dit, une fois, que la barbe à papa était faite de nuage. Gin se demandait comment les hommes pouvaient bien récupérer les nuages, qui flottaient si haut au-dessus de leur tête, si bien que même les plus hauts immeubles de Tokyo ne pouvaient même pas les chatouiller de leur pointe.

- Je me demande comment ils font pour attraper les nuages, tu sais, pour faire des barbes à papa avec... lâcha-t-elle, l'air pensif, avec beaucoup de sérieux.

Puis elle se ressaisit, cessa de laisser son esprit vagabonder. Elle fouilla dans ses poches à la recherche d'un morceau de papier, quand ses doigts effleurèrent enfin une page arrachée de carnet. Elle s'en saisit, puis fouina dans son autre poche pour en sortir un petit crayon à papier. S'appuyant sur le rideau de fer, elle traça sur le papier son prénom, et son numéro de téléphone. Il y avait quelques esquisses sur la page, des portraits croqués à la va-vite de ceux qu'elle avait rencontré, ceux avec qui elle avait échangé un regard furtif, ceux qu'elle avait croisé simplement. Avec un sourire, elle lui tendit le papier.

- Ecoute, si tu as un problème avec ton masque, un jour, n'hésite pas à m'appeler ! Et même si tu as juste envie de parler à quelqu'un, je serais là, reprit-elle avec douceur.

Elle restait plantée là, Gin, même s'il était pour elle l'heure de rentrer, qu'elle n'avait rien de plus à faire dans cette ruelle, qu'elle ne comprenait pas vraiment ce qu'elle faisait là et ce qu'elle venait de faire. Elle n'était pas du genre à jouer la psychologue, elle qui était plutôt brusque et bien trop franche. Mais elle était bien là, souriant malgré le froid, sa respiration lente dessinant de petits nuages dans l'air hivernal.

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La demoiselle saisit l'argent et le déposa d'un geste mécanique dans la caisse. Il était évident qu'elle était habituée à ce travail. Elle m'écoutait avec patience, semblant boire mes paroles. Cela faisait terriblement longtemps que je n'avais pas parlé comme ça. Seuls Nobuharu et Sen avaient eu droit à un tel "flot de parole" de ma part. Cependant, je ne me sentis pas gêné et n'eus pas de regret, au contraire, je me sentis soulagé.
"J'imagine que fuir n'est pas toujours la solution à tout." Fit-elle.
Puis la dénommée Gin passa de l'autre côté du comptoir, suite à quoi elle se hissa sur ses pieds et m'embrassa sur le front.
"Ne t'en fais pas, je suis sûre que ça va s'arranger pour toi." Déclara t-elle.
Je restai un instant sans bouger, surpris par son geste -et la douceur de celui-ci- puis elle se détourna, le regard malicieux. Je serais bien resté là, tel un idiot, si elle ne m'avait  pas fait signe qu'elle allait fermer la boutique. Je la regardai éteindre les lumières et sortis en même temps qu'elle. Elle ferma le rideau de fer d'une main experte.
"Je me demande comment ils font pour attraper les nuages, tu sais, pour faire des barbes à papa avec.." Déclara t-elle sérieusement.
Je souris gentiment tout en enfilant l'écharpe dérobée à Nobuharu. Il y avait encore son odeur, si masculine et protectrice. Mais cette odeur était faible et ne tarda pas à s'évaporer. Je levai le nez vers les nuages à mon tour et répondis:
"Ils font des échelles avec leurs rêves."
Suite à ça, elle arracha la page d'un carnet, écrit dessus et me la tendit. On pouvait voir des traces d'anciens dessins sur cette page.
"Ecoute, si tu as un problème avec ton masque, un jour, n'hésite pas à m'appeler ! Et même si tu as juste envie de parler à quelqu'un, je serai là."
Je saisis le bout de papier en la remerciant et le fixai quelques instants.  Ni elle ni moi ne semblait vouloir partir.
"C'est ici que nos chemins se séparent ?"
Sur ces mots, un papillon nocturne virevolta autour de nous, semblant effectuer une danse, avant de se poser gracieusement sur mon épaule.
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Gin Nakagawa




Gin Nakagawa
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Il ne se moqua pas de sa question qui était pourtant bien naïve. Inepte, même, mais Gin ne le réalisait pas vraiment, trop détachée qu'elle était de la réalité de leur monde. Attraper des nuages, les manger, pourquoi pas ? C'est vrai, pourquoi n'auraient-ils pas ce doux goût sucré qu'avaient les barbes à papa ? Qu'ils soient faits de vapeur d'eau, ce n'était pas forcément logique, à ses yeux. A vrai dire, elle avait à peine conscience que l'eau pouvait s'envoler aussi haut. La pluie aussi, c'était un mystère pour elle. Il lui manquait des connaissances élémentaires en lecture et écriture, elle assimilait lentement les notions mathématiques primaires ; mais les sciences faisaient par conséquent partie de ces choses bien trop éloignées des préoccupations souterraines pour qu'elle s'y soit un jour intéressée.

- Ils font des échelles avec leurs rêves.

Il avait levé les yeux vers les nuages, à son tour. Gin se demanda un instant s'il disait vrai. Faire des échelles avec ses rêves, n'était-ce pas impossible ? Peut-être qu'elle ne savait pas faire d'échelle avec ses rêves parce qu'elle ne faisait que des cauchemars terriblement sombres, hantés par Thanatos, la mort même, le fantôme de son père, les hurlements des spectres, le noir éternel. Rêver, pour s'échapper. Rêver, pour accéder au ciel. Gin, elle aimerait rêver, un jour, pour, dans la nuit de velours, grimper sur son échelle et décrocher les étoiles.

- Alors ils doivent rêver à l'aurore, pour capturer le doux rose dont elles sont teintées.

Son ton était rêveur, peut-être un peu trop pensif pour un sujet aussi obsolète. Elle avait ponctué sa phrase d'un sourire désolé, comme si elle avait conscience que le sujet était stupide et que c'était une question qui ne se posait pas. Elle ne se rendait pas compte d'où résidait véritablement le comique de sa déclaration, mais c'était cette naïveté enfantine qui parfois la rendait attendrissante, malgré sa mélancolie envahissante et sa bestialité latente. Gin laissa un instant flotter le silence, alors qu'ils se tenaient là, tous les deux, sans qu'aucun ne soit prêt à se détourner pour retrouver son quotidien. Le temps, il semblait presque suspendu, alors qu'ils restaient là à se regarder. De ses yeux verts perçaient une douceur inhabituelle, qu'elle réservait parfois à ces humains qu'elle aimait tant, parce qu'il étaient beaux et frêles et fragiles. Shiki aussi, il était beau et frêle et fragile. Comme un papillon.

- C'est ici que nos chemins se séparent ?

Un papillon de nuit voleta un instant autour d'eux, perdu dans la ruelle, sans doute attiré par la lumière fade du lampadaire qui les éclairait, découpait dans la nuit les contours du visage de la rouquine. L'insecte se posa doucement sur l'épaule du jeune homme, comme s'il reconnaissait en lui un homologue de délicatesse et de fragilité. C'était anodin, terriblement anodin, pourtant cela conforta Gin dans l'idée qu'il n'était pas encore temps de le laisser partir. Pas tout de suite. Ne t'envole pas, pas maintenant.

- Je ne sais pas.

Malice dans la voix, sourire espiègle. Il n'était pas l'heure pour eux d'emprunter des chemins différents. Elle était trop intriguée, Gin, encore, attirée comme le papillon par la lueur blanche par ce garçon atypique qui avait su piquer sa curiosité. Ils avaient encore tellement de choses à se dire. Ses longs doigts se raidissaient déjà à cause du froid, alors la rouquine enfonça ses poings dans les poches crevées de son manteau, ne cessant de sourire, ne cessant de le regarder. Il y avait tellement de choses encore enfouies en lui, tellement de choses qui ne demandaient qu'à être mises au grand jour. Gin en était certaine. S'il était perdu, elle lui tiendrait la main. S'il avait besoin de parler, elle lui offrirait une oreille attentive. Shiki, il avait ce poids trop lourd qui éraflait ses ailes de papillon. Shiki, il avait besoin qu'on l'aide, qu'on le guide jusqu'à la lumière du jour. Il semblait perdu dans cette nuit sans fin.

- Tu es pressé ? Parce qu'autrement, je peux t'offrir un verre.

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Shiki A. Fukastu




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Je regardai le papillon se poser sur mon épaule. Je ne bougeai pas, de peur qu'il s'envole. Lorsque j'étais enfant, cela m'étais déjà arriver. C'était depuis ce jour que je m'intéressais aux papillons.
« Alors ils doivent rêver à l'aurore, pour capturer le doux rose dont elles sont teintées »
Je souriais à sa remarque, qui était une excellente réponse à la mienne. Cette conversation ferai une bonne inspiration pour un tableau, alors je tâchais de garder cette conversation en mémoire pour plus tard.
« Je ne sais pas. » Répondit-elle à ma question.
Le silence s'installa à nouveau. Je continuai de regarder le ciel en pensant au tableau que je pourrai faire. J'imaginai un ciel rose avec des hommes, qui semblerait si minuscule face à ce ciel rose, en train d'essayer de toucher les nuages.
« Tu es pressé ? Parce qu'autrement, je peux t'offrir un verre. »
« Personne ne m'attend, allons-y. »
Sur ces mots, le papillon s’envola et parti droit devant, tel une invitation à surmonter mes peurs et mes doutes pour découvrir ce que la vie me réserve.

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Gin Nakagawa




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- Personne ne m'attend, allons-y.

Elle avait acquiescé en souriant, puis s'était lentement mise en marche. Pendant un court moment, elle suivait le papillon de nuit, captivée par le battement irrégulier de ses ailes sombres, avant que celui-ci ne s'évanouisse dans la nuit sombre, porté par le vent. Gin jeta un coup d’œil à la petite montre qui enserrait son poignet. Le verre irisait doucement à la lueur des lampadaires. A cette heure du soir, ils trouveraient peut-être un dernier café, encore ouvert pour les clients tardifs ; sinon un bar, un de ces bars cachés, bars à goule, aussi illégaux que la boutique dans laquelle elle travaillait. Ils étaient tapis ça et là, gardés secrets par la noirceur nocturne, cachés aux yeux des humains, et surtout, des colombes. Ces oiseaux trop blancs ne venaient pas se perdre dans de telles ténèbres.
Ils étaient sortis de la ruelle, rejoignant ainsi une rue un peu plus passante du treizième, éclairée par les lumières plus vives des rangées de lampadaires et des devantures lumineuses. Elle se contenta cependant de traverser la rue, pour rejoindre une nouvelle ruelle vide, au silence enivrant brisé seulement par l'écho d'une voiture qui passait au loin. Le treizième, c'était son territoire, son lieu de vie choisi, elle connaissait chacun de ses recoins pour y avoir dormi, tué, volé.
Un instant, Gin se retourna pour le voir, lui qui la suivait. Son visage était à peine discernable dans la pénombre, mais elle lui offrit tout de même un sourire.

Elle tourna vivement, et descendit un escalier presque caché, sa chevelure flamboyante dansant dans son dos. Elle poussa la lourde porte avec difficulté, pour entrer dans un bar caché où quelques goules discutaient déjà. D'un pas nonchalant, elle marcha vers le bar pour commander deux verres, avant de s'installer à une table libre. Ils étaient des goules, ainsi, ce n'était pas comme s'ils avaient droit à un large choix de boissons.

- Ici, nous pourrons tranquillement continuer notre petite conversation.

Sourire malicieux, le menton posé dans le creux de la paume, coude sur la table. Elle dégageait une nonchalance désarçonnante, passionnée par ce garçon à la situation si confuse, ce malaise qu'il dégageait, couplé à cette beauté irrationnelle. Un à un, elle percerait tous ses mystères. Lentement, il se dévoilerait à ses yeux verts. Parce qu'elle était curieuse, et parce qu'au fond, lui aussi, en avait besoin. Il devait parler, trouver une solution, un feu-follet dans les abysses qui l'engloutissaient.

- Ce Nobuharu, tu ne comptes pas reprendre contact avec lui ?

Elle le regardait sans détour, s'immisçait dans sa vie personnelle par cette brèche qu'il avait fait l'erreur de lui ouvrir. Erreur qui peut-être au fond n'en était pas une. Peut-être qu'elle lui permettra de sortir de la chrysalide qui le piégeait pour qu'il devienne enfin le papillon qu'il devait être.

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Je suivis donc Gin. Nous suivîmes un instant le papillon, ce qui me fît sourire. Mais il avait son propre chemin, son propre destin aussi, nous le perdîmes de vue. Je suivais la demoiselle avec confiance, elle connaissait cet arrondissement mieux que moi. Moi, je n'étais qu'un vagabond. Fuir, perdre, retrouver... j'étais perdu dans ce cycle. Mais la plupart des goules l'étaient aussi. Combien de goules pouvaient-elles se vanter d'être si bien intégrer dans la société humaine qu'elles pouvaient vivre sans crainte ? Probablement aucune.


Nous étions sortis de la ruelles pour finalement rejoindre une rue éclairée par d'autres lampadaires et rythmée par les lointains échos des voitures passantes. Soudain, la goule tourna, et je faillis manquer le tournant, descendant un escalier dissimulé avant de poussée une lourdes portes débouchant dans un café. Un café clandestins comme ils en existaient des centaines. Caché aux yeux de tous, nous étions l'«underground» moderne du Japon.


Elle marcha vers le bar pour commander deux verres avant de s'installer à une table. Je m'installa à mon tour. Elle semblait détendue, la main posée au creux de son épaule. Elle avait vite annoncé que l'on reprendrait « notre petite conversation » un sourire malicieux aux lèvres. Je m'installais les bras croisé sur la table, avec une anxiété que je ne comprenais pas.
« Ce Nobuharu, tu ne comptes pas reprendre contact avec lui ? »
« Je...Impossible. Je veux dire, je ne sais même pas comment me considéré en tant qu'individu. Avant je me considérais comme une fille, puis après comme un homme maintenant... Je sais plus... »
L'anxiété augmentait encore et je me concentrais sur ma respiration pour me calmer. Toutes ses questions, je les traînaient depuis longtemps, mais elles avaient prit un sens nouveau à cause -grâce ?- à Nobuharu.
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- Je... Impossible. Je veux dire, je ne sais même pas comment me considérer en tant qu'individu. Avant je me considérais comme une fille, puis après comme un homme maintenant... Je sais plus...

Il avait l'air anxieux, sans doute gêné par toutes les questions que Gin lui posait sans détour, aucunement limitée par les notions de vie privée ou de pudeur. A sa réponse, elle hocha simplement la tête, préférant lui laisser le temps de se calmer avant d'ajouter autre chose. Cette conversation, peut-être, n'était pas une bonne idée, parce qu'elle creusait au point de déterrer des sujets intimes, et posait des questions qu'elle ne devrait pas se permettre de poser, surtout à une personne qu'elle venait de rencontrer. Sa respiration se faisait saccadée alors qu'il semblait presque pris de panique, oppressé par tant d'interrogations qui n'avaient pas lieu d'être et auxquelles il n'avait pas de réponse. Parce qu'au final, toutes ces questions que posaient la rouquine, c'était des questions latentes qu'il se posait aussi, sans pour autant trouver de solution à ses problèmes. Une solution que Gin ne pourrait sans doute pas apporter, parce qu'elle ne le connaissait pas vraiment, et qu'elle n'avait aucun moyen de comprendre la situation dans laquelle il se trouvait. Soudain, son vif intérêt pour le jeune homme se retrouvait terni par la pensée qu'il n'adviendrait rien - ou du moins rien de bon - de leur discussion.
On leur apporta leurs verres, alors elle se mit distraitement à siroter sa boisson, cherchant ce qu'elle pouvait bien ajouter, pour l'aider peut-être, ou au moins soulager sa peine et son fardeau. Elle pouvait au moins faire ça, Gin, l'écouter, pour qu'il n'ait plus l'impression de lutter seul contre le monde entier.

- Hm, je vois.

Elle marqua une nouvelle pause, réfléchit un instant. Ainsi, il était né en tant que femme, puis était devenu homme. Et maintenant, il se retrouvait là, perdu, à douter de ce qu'il était, au fond, et de ce qu'il pourrait bien devenir. La rouquine se demandait pourquoi il en était venu à se considérer comme un homme après avoir été élevé comme une femme. Et pourquoi maintenant, ses convictions flanchaient au point qu'il ne savait plus qui il était vraiment.

- Alors, dis-moi, si tu as été une fille, initialement, pourquoi en es-tu venu à te considérer comme un homme ?

Gin posait ses questions de manière véritablement ingénue, cherchant simplement à comprendre tous les bouleversements qui avaient pu l'amener à cette connaissance vacillante de lui-même et de sa vraie nature. Elle pensait trouver là une demi-réponse à la question qui semblait le hanter, et qui l'avait menée dans cette errance sans fin. Elle s'adossa au dossier de sa chaise, offrant un sourire doux à Shiki. Son intérêt pour lui grandissait à nouveau alors qu'elle pensait avoir trouvé l'une des clés qui pourraient le libérer de cette prison noire dans laquelle il s'enferrait.

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On nous apporta nos cafés. Je regardai la fumée s'échapper du mien, y voyant des formes variées allant du simple cercle au train en passant par le cheval au triple galop. L'imagination d'un être est puissante et quasiment sans limite. Surtout lorsque le point de départ est la souffrance, que ce soit sur soi-même ou sur autrui.

La demoiselle à la chevelure de feu sirotait son café, semblant réfléchir. Pour ma part je m'étais calmé, continuant d'imaginer des formes dans cette fumée qui s'estompait de plus en plus. Bizarrement, mes pensées tournaient toutes autour de Nobuharu ou de mon incapacité à me définir. Probablement était-ce la raison pour laquelle j'avais l'impression de devenir fou.

La dénommée Gin semblait avoir trouvé une nouvelle question à me poser, je pus le lire sur son visage. Je ne savais pas si sa curiosité la poussait à essayer de m'aider ou l'inverse.

« Alors, dis-moi, si tu as été une fille, initialement, pourquoi en es-tu venu à te considérer comme un homme ? »

Je la fixai un moment, cherchant un moyen d'expliquer ma situation. Mais les mots me manquaient, comme souvent lorsque je devais aborder la question. Je saisi donc mon carnet et un crayon qui dormaient au fond de mon sac et entamai un schéma. Je dessinai un corps quelconque dont le haut était celui d'un homme, et le bas celui d'une femme. Pour que ce soit un peu plus explicite je dessinai un petit «  » et un petit «  » sur les zones concernées. Puis je soulevai un peu le carnet vers elle en murmurant :

« Je ne disais pas être une erreur de la nature par pur déprime... »

Je ne comprenais toujours pas pourquoi je me confiait autant à cette Gin. Probablement car j'étais seul, dos au mur.
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Il l'avait regardée un instant sans rien dire, le regard vague, comme s'il la regardait sans vraiment la voir. Un instant, Gin se demanda s'il ne trouvait pas sa question terriblement déplacée, si elle n'était pas allée trop loin, avec cette question. Elle n'osa rien ajouter, portant une nouvelle fois la tasse de liquide fumant à ses lèvres. Puis il se saisit d'un carnet et d'un crayon, avant de se mettre à griffonner une ébauche à la forme humaine, cherchant visiblement à lui faire comprendre quelque chose que les mots ne pouvaient vraiment traduire. Elle le regarda faire son schéma, en se demandant s'il n'était pas comme elle, un artiste dans l'âme, puisqu'il était capable d'exprimer par des dessins ce qu'il ne saurait dire avec des mots. Le haut du corps du personnage était clairement masculin, tandis que le bas de son corps était féminin. Il avait ajouté des petits symboles qui ne signifiaient pas grand chose pour Gin, mais elle avait déjà compris, seulement par la silhouette, le tenant de son propos.  

- Je ne disais pas être une erreur de la nature par pure déprime...

La rouquine fit non de la tête, en buvant une nouvelle gorgée de café. Il y avait méprise, puisque là n'était pas la question qu'elle lui posait. Elle avait compris depuis un moment déjà qu'il était hermaphrodite, bien qu'elle ne soit pas capable de mettre les mots là-dessus, elle pensait avoir compris ce que cela signifiait. Ce qu'elle voulait savoir, ce n'était pas sa nature biologique, anatomique, peu importe. Non, c'était une question sur son environnement, sur la manière dont les autres le percevait et la manière dont ils voulait être perçu.

- Hm, j'avais compris cela. Là n'est pas ma question.

Son ton était doux, aucunement condescendant, juste léger pour un sujet bien plus grave. Gin n'en doutait pas, elle avait devant elle un garçon, aussi élégant qu'il puisse être, il n'y avait aucun doute là-dessus. Il était habillé, coiffé, avait des manières d'homme, si bien qu'il n'y avait pas de doute à avoir quand à l'image qu'il voulait renvoyer. Quand bien même certaines gamines puissent le trouver trop efféminé, sans doute par rapport à la finesse de ses traits, sa petite taille, ses membres graciles. Mais il lui avait laissé entendre qu'il avait été élevé comme une fille, par ses parents peut-être. Gin hésitait à aborder explicitement le sujet de sa possible famille, parce que c'était chez les goules bien souvent un sujet sensible, teinté de sang. Ils étaient rares, les membres de leur espèce qui atteignaient l'âge adulte sans jamais rencontrer de drame familial, et les orphelins étaient bien trop nombreux au goût de la rouquine. Elle était elle-même l'image d'un schéma familial défaillant dont la fin fût pire encore que celle de la plupart des goules. Ainsi, elle ne voulait pas aborder explicitement ce sujet, de peur sans doute que la question lui revienne en pleine figure. Parce qu'elle n'aimait pas en parler, Gin. Elle n'aimait pas crier au monde qu'elle avait dévoré son père, commit l'irréparable dans un accès de folie incontrôlable, du temps où elle n'était qu'une bête et où sa raison était bien moins forte que maintenant.

- J'ai cru comprendre que tu avais été élevé comme une fille. Or, c'est un garçon qui se tient devant moi.

Elle marqua une pause, pour lui laisser le temps de l'interrompre si jamais il trouvait qu'elle s'aventurait trop loin, sur un chemin trop glissant. Parce que le sujet était sensible, et même Gin et son manque de délicatesse étaient capable de s'en rendre compte. La rouquine était du genre plutôt brusque, et même maintenant, elle lui laissait du temps, sans pour autant mâcher ses mots. Inutile d'enjoliver la vérité - sa curiosité presque malsaine - derrière de jolis mensonges et une politesse feinte. La bienveillance perçait dans sa voix, pourtant, même si elle était incapable d'atténuer ses propos peut-être trop crus. Puisqu'il ne l'interrompait pas, elle continua avec un peu plus d'assurance.

- Donc, pourquoi as-tu décidé de ne plus être une femme ? De remiser, je ne sais pas, les cheveux longs, les jupes, tout, pour que le monde te voie en tant qu'homme ?

Elle marqua une nouvelle pause, pour chercher les mots, parvenant difficilement à exprimer ce qu'elle cherchait à dire. Elle prit une nouvelle gorgée de café pour se laisser le temps de réfléchir, et reprit.

- En fait, je cherche à savoir si tu te sens à l'aise en tant que garçon, continua-t-elle. Tu vois ce que je veux dire ?

Elle fronça les sourcils, de peur de ne pas être vraiment claire.

-  J'espère que tu ne trouves pas mes questions déplacées. Et surtout, ne te force pas à répondre si tu n'en as pas envie, conclut-elle finalement avec un sourire encourageant.

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Shiki A. Fukastu




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Tout était confus dans ma tête, tout se mélangeait, tel la palette de peinture d'un peintre trop maladroit. Si bien qu'il semblerai que j'ai mal compris ce que Gin souhaitait dire :

« J'ai cru comprendre que tu avais été élevé comme une fille. Or, c'est un garçon qui se tient devant moi. »
J’acquiesçai de la tête avant de porter la tasse de café à mes lèvres, buvant quelques gorgées. L'arôme du café torréfié apaisa quelque peu mon esprit. Je profitais de cet instant de paix, chose précieuse quand on est une goule.
« Donc, pourquoi as-tu décidé de ne plus être une femme ? De remiser, je ne sais pas, les cheveux longs, les jupes, tout, pour que le monde te voie en tant qu'homme ? »
Elle marqua une pause cherchant ses mots. Je lui laissa le temps de finir n'étant pas pressé. Je continuait de boire mon café. La demoiselle ne semblait pas très à l'aise avec les mots et je pouvais aisément deviner que c'était à cause d'une éducation que sa nature lui empêchais d'avoir facilement. Quel dommage. En un sens, j'étais plutôt chanceux : Mes parents étaient très bien intégré à la société humaine, de sorte que je n'eus pas ce genre de problèmes... du moins, jusqu'à mon adolescence.
« En fait, je cherche à savoir si tu te sens à l'aise en tant que garçon » continua-t-elle. « Tu vois ce que je veux dire ? »
J'acquiesçai de nouveau, reposant ma tasse de café à moitié vide. Elle conclut sur le fait que je n'étais pas obligé de répondre et le silence s'installa pour un temps, le temps pour moi de mettre dans le bon ordre et de faire en sorte de pouvoir les supporter.
«  Je n'ai découvert ma... malformation qu'à l'adolescence. Petit, enfin petite, on ne voyait pas la différence entre moi et une fillette normale. C'est donc normal que je me sois considéré comme une fille et que tout le monde me voyait comme tel. Mais à l'adolescence, je remarquai vite que je ne grandissais pas comme une autre fille... » Je marqua une pause, avant de continuer. « Puis, je me suis enfui lorsque le médecin à donner son verdict... Et un homme, une goule, m'a aidé. J'ai commencé à voir les choses sous un autre angle et petit à petit je me suis habitué à me considéré comme un homme. Mais... » Nouvelle pause, je bus mon fond de café d'une traite avant de continuer. « Mais... Le CCG à débarqué... Seul, nouvelle fugue, nouvelle vie. Nobuharu. Et... Ma vision des choses change à nouveau... Cet imbécile à réussi à me faire sentir femme, pour la première fois depuis longtemps. » Conclu-je en m'affalant à demi sur la chaise.
Je mettais enfin le doigt sur ce qui n'allait pas. Lorsqu'il avait prit soin de moi, me serrant contre lui, je ne m'étais pas senti comme un homme qui se faisait épauler par un ami, mais comme une femme qui se faisait dorloter par un homme. Je serrai les dents. Pouvais-je revenir en arrière ?
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Gin Nakagawa




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Elle laissa le silence s'installer entre eux, consciente que la franchise désarmante de sa déclaration lui donnait sans doute matière à réfléchir. La rouquine prit une nouvelle gorgée de café, et attendit avec un sourire doux que Shiki parvienne à mettre de l'ordre dans ses pensées, et décide surtout de ce qu'il voulait lui dire et de ce qu'il voulait garder secret. Des choses à dire, il y en avait sans doute tellement, tant à raconter sur ce sujet sensible, tant de choses enfouies qu'elle faisait resurgir par ses questions. Mais il fallait combattre le mal par le mal. Impossible de vaincre les problèmes sans remonter à leur source. Il se mit finalement à parler, libérant visiblement des choses qu'il n'avait pas dites depuis un certain temps. Peut-être parce qu'il avait espéré que cela se dissipe comme Gin avait voulu que son passé s'efface. Peut-être parce qu'il n'avait personne avec qui partager son fardeau. Toujours était-il qu'il se mit à tout déballer, sous les yeux légèrement étonnés de la rouquine, qui ne s'attendait pas à une telle confession.

- Je n'ai découvert ma... malformation qu'à l'adolescence. Petit, enfin petite, on ne voyait pas la différence entre moi et une fillette normale. C'est donc normal que je me sois considéré comme une fille et que tout le monde me voyait comme tel. Mais à l'adolescence, je remarquai vite que je ne grandissais pas comme une autre fille...

Lentement, elle hocha la tête, tout en prenant une nouvelle gorgée de café. Sa tasse étant vide, elle en demanda une autre d'un geste de la main. Visiblement, ils n'étaient pas prêts à partir. Parce qu'il y avait encore beaucoup de choses à dire. Pensive, elle l'écoutait parler. C'était plutôt logique, en effet, que l'adolescence marque la naissance de ses problèmes identitaires et des mille questionnements qui l'empoisonnaient depuis. Être né goule déjà constituait une différence non-négligeable vis-à-vis des autres enfants qu'il fréquentait à l'école, alors elle n'osait même pas imaginer comment il avait pu se sentir en découvrant cette différence supplémentaire. Surtout en imaginant que les enfants - surtout à cet âge - peuvent être cruels envers ceux qui ne leurs ressemblent pas.

- Puis, je me suis enfui lorsque le médecin à donner son verdict... Et un homme, une goule, m'a aidé. J'ai commencé à voir les choses sous un autre angle et petit à petit je me suis habitué à me considéré comme un homme. Mais...

Ainsi, il n'avait lui non plus pas de famille sur laquelle se reposer, aucune personne par laquelle il était lié par le sang qui aurait pu lui venir en aide ou lui apporter le soutient dont il semblait avoir besoin. Elle se reconnaissait étrangement en lui, Gin, dans cette étrange solitude, ces ténèbres, cette sensation d'être totalement étranger à ces êtres qui vivent autour d'eux. L'impression de lutter seul contre le monde, y avait-il pire sensation ? C'était la folie, son enfance dans un monde parallèle et abyssal qui l'avait éloignée de l'humanité, et même des autres goules, qui l'avait tirée vers les ténèbres jusqu'à ce qu'elles l'engloutissent totalement. Seul, tellement seul. Et lui aussi, il avait l'air totalement perdu, désorienté, sans savoir quel choix il devait faire, entre les habitudes ancrées en lui ou cette nature oubliée, enfouie, qui refaisait surface. L'ambiguïté qu'elle avait décelée, Gin, lors de leur rencontre, peut-être venait-elle plus de ses doutes que de sa nature, finalement.

- Mais... La CCG a débarqué... Seul, nouvelle fugue, nouvelle vie. Nobuharu. Et... Ma vision des choses change à nouveau... Cet imbécile a réussi à me faire sentir femme, pour la première fois depuis longtemps.

Il avait fini sa tasse de café, alors elle lui en commanda une autre, attendant un instant que le serveur apporte leurs boissons pour apporter sa réponse. Quand il déposa la tasse de breuvage brûlant devant elle, elle la prit dans ses mains, la chaleur diffuse réchauffant ses doigts toujours froids.

- Je vois... Elle marqua une légère pause, dévoilant un sourire. Et donc maintenant, tu ne sais plus qui tu veux vraiment être, c'est ça ?

Dans son ton ne perçait aucune pitié, simplement un constat presque froid prononcé d'une voix posée alors qu'elle ne cessait de penser. Il était tellement désorienté. Il s'était presque affalé sur sa chaise, comme éprouvé par cette longue déclamation, par la mise en parole de toutes ces choses qu'il avait tenté d'effacer, mais dont il était, au fond, impossible de faire abstraction. Gin trouvait étrange, presque touchante, cette brusque confiance qu'il lui faisait pour lui balancer de telles choses alors qu'ils se connaissaient à peine. Ses questions à elle l'y avait sans doute un peu poussé, mais il n'empêchait qu'elle ne pensait pas qu'il lui expliquerait tout ainsi, sans hésitation.

- En fait, tu as pris l'habitude d'être un homme, sauf que ton lien avec ce Nobuharu a tout remis en question, et maintenant, tu ne sais plus vraiment ce que tu veux être, je me trompe ?

Elle s'accouda à nouveau à la table, prenant une nouvelle gorgée de café chaud. La rouquine avait presque l'impression de le pousser à bout, de le déranger, pourtant il lui semblait qu'il découvrait ainsi des choses dont il n'avait pas conscience, ou dont il ne voulait pas prendre conscience.

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