Akira était tourmenté. Il passait sa vie à traîner dehors sans réelle conviction, à errer le regard pensif et perdu, repassant cette scène dans sa tête des milliers de fois pour tenter de comprendre. Son esprit était ailleurs. Il ne s'était pas nourri depuis plusieurs jours même ; il était bien trop préoccupé.

Chihiro hantait ses esprits. Depuis quelques temps, il repensait à cette période passée avec elle - sa souffrance et son extase à la fois - et à tout ce qu'il avait vécu avec elle. Non seulement elle avait été sa pire douleur mais aussi son envie de vivre. Et, comme par hasard, il apprit il y a quelques jours de cela qu'elle était revenue en ville. Et quand cette femme va quelque part, c'est qu'elle a forcément une idée derrière la tête. En espérant qu'il n'y soit pas impliqué - il prie pour qu'elle ne soit pas revenue le chercher. Il avait tant changé entre temps qu'elle ne le reconnaîtrait plus. Et que ferait-elle d'Anarchy ? Il n'osait même pas y penser tant cela l'horrifiait.

Le jeune homme traînait donc vers le quartier étudiant de la métropole - un endroit tranquille et reposant, où il pouvait penser et prendre l'air en toute sérénité. Collèges & lycées se trouvaient à perte de vue et pourtant, ce n'est même pas la flamboyante chevelure de sa bien-aimée qui le fit arrêter, ni même leur croisement de regards. Il continua sa route sur quelques mètres puis se retourna pour vérifier si c'était bien elle.

« Anarchy ? »

Il retourna sur ses pas et s'avança vers elle.

« Excuse-moi. Je ne t'avais pas vue. »

Mais que faisait-elle devant un lycée ?

D'innombrables émotions devaient la remplir. A la fois les larmes aux yeux et remplie d'un amour fou, Akira ne pouvait que comprendre et compatir pour sa bien-aimée. Elle devait se sentir perdue et abandonnée, un peu comme lui. Tous deux sont si similaires et si différents à la fois. Leur position actuelle était plus qu'étrange dans cette situation - lui collé au mur et elle le plaquant - et certains élèves qui étaient en train de sortir du lycée les surprirent en cette situation. Anarchy l'embrassa d'un coup, avec une fougue soudaine et incompréhensible.

Il ne savait que dire. Que faire. Il n'avait même pas répondu à son baiser amoureux et désespéré à la fois. Mais que venait-il de faire ? Voulait-il en finir avec son couple pour en finir ainsi ? Non. Il l'aimait plus que tout, elle représentait toute sa vie pour lui, mais maintenant que Chihiro était revenue, tous ses espoirs avaient été réduits à néant. Son futur avec elle était de nouveau une page blanche. Cette fille est bien trop dévastatrice. Mais comment se débarrasser d'un tel monstre qui en veut à votre vie et probablement celle de sa petite-amie ?

Elle lui en voulait. Terriblement. Cela se sentait dans sa voix tremblante et hésitante, son regard rempli de peine et d'incompréhension. Que pouvait-il bien lui dire ? Il était coupable de cette situation.

« Je suis désolée, Anarchy, s'excusa-t-il le regard dans le vide. J'ai vraiment de gros soucis en ce moment, et j'ai peur que- »

Il s'arrêta un instant. Il devait le lui dire. La femme qu'il aime devait le savoir.

« Quelqu'un en veut à ma vie. Et bientôt à la tienne. »

Continue.

« Ne nous séparons plus. Si jamais elle venait... je dois être là pour te protéger. Oui. Reste à mes côtés. Ne me quitte pas. Je t'aime tellement, Anarchy, » dit-il en passant la main dans ses cheveux.

Ses paroles devaient paraître tellement insensées à ses yeux. Allait-elle comprendre l'enjeu de la situation ?

"Leur casser la figure", disait-elle. Si seulement c'était aussi simple. Il l'aurait déjà fait, sinon. Mais là, son passé le rattrapait vitesse grand V. Elle ne devait pas savoir ce qu'il avait fait, ni avec qui. Et le pire de tout serait qu'elle le fasse redevenir comme avant. A ce moment-là, il serait obligé de la quitter, de la fuir, et de s'exiler à jamais. Jamais il ne pourrait le supporter. Il l'aime bien trop. Mais cet amour qui le ferait s'éloigner, car il pourrait s'en prendre à elle à tout moment si son lui d'antan revenait à la vie.

« Ce n'est pas aussi simple, » dit-il en un soupir.

D'un coup, Anarchy semblait embarasser. Elle regardait quelqu'un derrière elle en se retournant. Curieux, il chercha cette personne du regard. Etait-ce ce jeune homme aux écouteurs et avec la cigarette ? Aucun doute. Il jetta un rapide coup d'oeil dans leur direction avec un regard interrogateur et perturbé. C'était bien lui. Humain ou goule...? Dur à déterminer.

Anarchy, rentrer à la fac ? Cela lui semblait improbable. Cela ne lui ressemblait pas. Et comment se faisait-il qu'elle le laisse pour aller voir l'autre inconnu absolument insignifiant ? De plus, il venait de lui promettre de la protéger (ou du moins essayer) et de rester à ses côtés car le danger rôde tout près d'eux et elle allait l'abandonner ? Il ne pouvait pas le permettre. Ni le tolérer.

« Je viens avec toi, » décida-t-il d'un ton plus sec.

La situation se complexifia lorsque son soi-disant ami vînt la rejoindre. Que voulait-il d'elle ? Du mal ou du bien ? En avait-il quelque chose à en tirer ? Indécis, Akira préféra n'opter pour aucun choix mais de plutôt observer et attendre. Il ne laissera personne faire du mal à Anarchy. Personne.  

La haine qu'il percevait du regard de ce Ishi était vive. Mais qu'il ne se sente pas seul : ce sentiment était partagé. Quelle scène de voir ces 2 hommes se dévisager mutuellement... Heureusement qu'Akira était derrière Anarchy, comme ça elle ne pouvait pas voir toute cette colère. Devenu bien plus protecteur, il ne voulait pas qu'elle voit son regard méprisant. Ses instants étaient devenus si précieux qu'il ne voulait pour rien au monde détruire ce qui pourrait être ses derniers moment avec sa bien-aimée.

Lorsqu'elle se retourna vers lui, son visage rempli de haine disparut pour laisser place à un faible sourire. Il hocha la tête lors des présentations pour rester un minimum aimable.

Même si elle disait ça, il n'avait pas confiance en ce Ishi. Il ne pouvait confier Ana' à ce type. Hors de question. Il décida alors de mettre les choses au clair.

« J'ignorais que tu voulais entrer à la fac. »

Il continua :

« Comment tu l'as connu ? » demanda-t-il en ignorant totalement Ishi d'un air légèrement crispé.