prénom+nom

Gawain. Oswald Lot

age

Ϟ 37 ans

alias

Ϟ The Cook

Orientation sexuelle

Ϟ Viande rouge

situation financière

Ϟ Correcte

situation amoureuse

Ϟ Veuf

kagune

Ϟ Rinkaku

arrondissement

Ϟ Shinjuku

Moi ? Oh, je ne suis qu’un simple chef. Chef étoilé, s’l vous plait. Mais c’est tout. Bon, je ne suis pas japonais, ça se voit à ma tête. A ma taille, à ce que je cuisine. Je suis anglais, ça se voit dans mon nom, pas dans ma cuisine. Elle, elle est française. Mais je suis bien né sur cet archipel pluvieux, où il fait moche presque tout le temps, et froid encore plus souvent. Heureusement, ma mère était indienne. Du coup, j’ai évité les coups de soleil immondes qu’avaient mes camarades quand j’étais plus petit. A la maison, c’était spécial. Mon paternel voyait d’un mauvais œil que je fréquente une école humaine, mais ma mère élevait la voix, et c’était réglé. Il l’aimait beaucoup. Comme moi j’aimais Thérésa.
Thérésa, c’est le rayon de soleil de ma vie. C’est la fille que j’ai connu quand j’avais sept ans, et qui m’a suivi – ou bien c’était le contraire, c’était probablement le contraire – que j’ai suivi jusqu’à ce soir horrible. On a étudié la cuisine ensemble. Elle trouvait la cuisine moléculaire merveilleuse. Moi j’y comprenais rien. Je faisais les plats comme on les avait toujours fais. Et ça marchait plutôt bien, j’avais des notes au moins aussi bonnes qu’elle à Lausanne, dans notre école pour enfants de riches qui vont aller dans la restauration.
Père trouvait ça absurde, pour ce que j’étais, de m’enticher de ce qu’il voyait comme au mieux un animal de compagnie, au point de la suivre partout. Mais moi je m’en fichais, et puis Mère trouvait ça beau, que son petit monstre tombe amoureux d’une humaine.
On est allé vivre au Japon assez tôt, ça fait déjà dix-sept ans que j’y suis. Notre restaurant n’a pas tout de suite marché. Mais quand les locaux ont commencé à réserver pour le nouvel an en 2000, ça n’a plus jamais désempli. « A Mother’s Embrace ». C’est le nom du restaurant dont Thérésa et moi avions toujours rêvé. Un restaurant où chacun mangerait à sa faim, quelques soient ses moyens, quelque soit sa race. Les riches payent un menu de luxe, les pauvres sont nourris deux fois par jour pour rien. Les humains peuvent déguster du canard à l’orange et du saucisson brioché, les goules peuvent manger des cadavres. Thérésa, c’était la femme parfaite. Elle savait pour moi, elle savait ce que j’étais. Qu’on aurait jamais d’enfant. Mais elle s’en fichait. Elle m’aimait parce que je cuisinais bien, parce que je ne tuais pas les hommes sans raison, que je préférai piller une tombe ou achever quelqu’un qui allait mourir sans douleur, et que j’enterrai tout de même ses restes dans les rites chrétiens. C’est le rayon de soleil de ma vie, Thérésa. C’est elle qui m’a poussé à chercher d’autres goules comme moi, qui n’en avaient pas après les humains, qui voulaient cohabiter. C’est pour elle que je suis devenu le serviteur de Shimizu-sama. C’était un peu comme une fille pour nous. Bon, disons une petite sœur, parce que je ne suis pas si vieux. Thérésa l’aimait bien, alors pourquoi en aurai-je fait autrement ? Non vraiment, la vie était belle.
Et puis Mère est morte, Père est devenu un légume refusant de s’alimenter, il a tenu trois mois. Trois mois avant de se précipiter comme un fou vers le village proche de notre résidence en Cornouailles, et de dévorer tout ce qui passait sous sa dent. Quand on a lu dans la presse les atrocités commises par ce que les journalistes ne savaient pas expliquer, c’est Thérésa la première qui m’a demandé d’empêcher que ça n’arrive à nouveau. Un village entier ! C’est plus de deux cents personnes. En une nuit il avait avalé tous ces gens. Je suis retourné en Angleterre. J’ai trouvé un manoir puant la carcasse, avec des domestiques à moitié rongés. Immonde. Je l’ai trouvé dans son fauteuil, serein. Quand il m’a vu, il a su. Il n’a pas fui. Au lieu de ça, il m’a montré le divan qui lui faisait face, où reposait, l’air satisfait, Mère. Un papier était à moitié déchiré, un papier où elle avait demandé à mon père de ne plus manger d’humains, de se contenter de cadavres. Comme elle faisait, comme je faisais. Il avait essayé je pense. Parce qu’il l’aimait. Mais il avait finit par craquer. Il avait mangé son cadavre à elle. Seul le visage restait intact, avec cet air satisfait qui me rassurait quand j’étais jeune. Puis il avait mangé les domestiques. Puis les villageois.
Il me regardait avec le même regard. Alors je l’ai mangé, et il s’est laissé faire.
Je suis rentré dégoûté à Tokyo. Thérésa l’a bien vu, je n’arrivais presque plus à cuisiner. Mais elle m’a redonné la force. C’est mon rayon de soleil cette femme.
Alors pourquoi. Pourquoi je me suis réveillé une nuit, avec mon visage barbouillé de rouge, avec mon visage enfoui au plus profond de sa poitrine ?
Le cuisinier enthousiaste était détruit, la goule lui avait pris sa meilleure moitié.
Alors c’est bête, mais je continue à tenir mon restaurant. Ce n’est plus pareil sans Thérésa. Mais on ne le voit pas à moins de me connaitre bien. Je suis souriant, je suis blagueur. Et surtout, je sers un ragoût divin, et mon tartare de goule n’est pas en reste. On ne sert plus d’humain ici. Juste de la goule, et de la viande. Comme si je pouvais manger Thérésa plus que je ne l’ai déjà fait.